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Aleva Ndavogo Jude : " LA DANSE EST UN VECTEUR DE CHANGEMENT CLÉ "

Aleva Ndavogo Jude, danseur et chorégraphe tchadien, réinsère les enfants des rues de N'Djaména à travers la danse.

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Chorégraphe et danseur tchadien, Aleva Ndavogo Jude a participé récemment à la création de la zimbabwéenne Nora Chipaumire qui était sa professeure à l'Ecole des Sables au Sénégal, école créée par Germaine Acogny.

Il oeuvre également beaucoup pour les enfants des rues tchadiens qu'il initie à la danse et auxquels il offre une vie meilleure.

Comment la danse est-elle entrée dans ta vie ?

Aleva Ndavogo Jude : J'ai commencé par la rumba, le ndombolo et le soukous, puis est venu le coupé-décalé. A partir de 2014, je me suis intéressé à la danse contemporaine. Avec ma compagnie nous sommes allés à Paris, Lyon, Bordeaux, au Congo-Brazzaville et aux Etats-Unis. Cette année je suis retenu à la Cité internationale des arts à Paris.

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Qu'est-ce que la danse te permet d'exprimer ?

Aleva Ndavogo Jude : La danse me permet de dire beaucoup de choses, dénoncer aussi ce qui ne va pas.

J'ai initié un projet social pour la réinsertion des jeunes vivant dans les rues, pour leur redonner le sourire et l'espoir, pour qu'ils puissent s'épanouir. J'identifie leurs préoccupations et tâche ensuite de les résoudre. Avec eux j'ai créé le spectacle "Django Django" qui traite de la réalité que vivent les enfants dans la rue, et du regard négatif que porte sur eux la société.

On se demande quelles sont les solutions pour améliorer les conditions de vie des enfants dans la rue. A travers la danse un lien de confiance se noue. C'est une thérapie qui permet de changer les mentalités ; un langage corporel universel.

Comment les enfants réagissent-ils à ton initiative ?

Aleva Ndavogo Jude : Les enfants se sentent libres, le public les applaudit et ça les motive. Ils sont joyeux. J'ai créé un centre où ils sont logés ; nous aimerions les réinsérer dans leurs familles respectives et les orienter selon leurs domaines. On les a inscrits à l'école, envoyés dans des formations en mécanique ou en informatique...

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Qu'est-ce que tu leur apprends dans tes cours ?

Aleva Ndavogo Jude : A être libérés. On travaille tranquillement sur l'état du corps comme celui de l'esprit. Avec mes collaborateurs on les amène à se demander ce qu'est un corps, et ce qu'est un corps dans l'espace. On leur apprend le fond de la danse d'abord.

Combien de temps les cours durent-ils ? Combien de fois par semaine ?

Aleva Ndavogo Jude : De 16h à 18h tous les jours sauf le dimanche.

Comment est la situation des danseurs professionnels au Tchad ?

Aleva Ndavogo Jude : Il n'y en a pas beaucoup. Aujourd'hui, à travers l'action que nous avons commencée, des jeunes ont décidé de devenir danseurs, mais on manque d'un cadre approprié pour travailler. La rue est notre espace, et il nous faudrait un endroit qui nous permettrait de mieux encadrer ces enfants.

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Y a-t-il des écoles de danse au Tchad ?

Aleva Ndavogo Jude : Non, il n'y en a pas. C'est un objectif à réaliser. On peut voir que nos actions attirent le public et permettent de le distraire. Personne n'avait pensé à cette initiative.

Comment expliquer cela ?

Aleva Ndavogo Jude : Beaucoup n'accordent pas d'importance à la danse, reléguée à un divertissement d'alcooliques dans les maquis ou les bars-dancings. Ils pensent qu'on fait des choses banales. Pour eux, il n'y a pas de danseurs professionnels. Comme c'est un pays à moitié musulman, c'est aussi difficile.

Nous, nous utilisons la danse comme source de revenus. On collecte de l'argent pour la location d'un centre, de logements. C'est une activité génératrice de revenus qui permet de subvenir à nos besoins.

Comment tes parents ont-ils réagi quand tu leur as déclaré vouloir devenir danseur ?

Aleva Ndavogo Jude : Mon père voulait que je continue les cours, alors que j'ai arrêté après la troisième, ça n'a pas été facile avec mes parents. J'ai dit "je fais la danse ou rien". Aujourd'hui mes parents sont fiers de moi, ils m'encouragent et me soutiennent.

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As-tu un message à faire passer à la jeunesse tchadienne ?

Aleva Ndavogo Jude : Les jeunes Tchadiens sont nombreux. Ils ne doivent pas rester les bras croisés. Il faut qu'on ose, qu'on travaille avec passion et ardeur, qu'on aime ce qu'on fait pour arriver à relever les défis qui se présentent à nous.

Les difficultés ne manquent pas, mais la danse est un vecteur de changemen clé. On a changé les mentalités d'enfants qui vivaient dans la rue depuis dix ans. L'Etat et les différentes structures doivent soutenir les actions culturelles du Tchad. Un artiste n'est pas celui qui vend des cd, c'est celui qui arrive à changer l'humanité par son art.

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La collaboration avec Nora Chipaumire

Peux-tunora-chipaumire nous parler de ton travail avec Nora Chipaumire ?

Aleva Ndavogo Jude : Nous étions ensemble à l'Ecole des Sables. Elle m'a invité aux Etats-Unis et en Angleterre. Je tiens aussi à saluer Germaine Acogny qui a créé l'école des Sables.

Les spectacles avec Nora s'intitulent "Ninga Pu" qui porte sur la culture congolaise, les sapeurs, et l'identité africaine et "Pop 100 % Ninga" qui porte sur la culture zimbabwéenne, les ancêtres et les parents de Nora.

Matthias Turcaud

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