Documentaires / sénégal

Griot. Aux côtés du musicien griot Ablaye Cissoko

Un film quelque peu décevant... mais des artistes et un sujet passionnants

Ablaye Cissoko est un griot : il est artiste et sage à la fois, voix du passé et du présent, mémoire et guide de sa communauté sénégalaise que les cordes de sa kora font vibrer de cérémonie en cérémonie.

Il est aussi la vedette du premier film-documentaire Griot du musicien allemand Volker Goetze. C'est en 2001, lors du festival de jazz de Saint-Louis du Sénégal, que Goetze découvrit que son camarade musicien Ablaye Cissoko n'était pas seulement koriste, mais aussi un merveilleux chanteur. Sa voix l'émeut tant qu'il décide de se plonger dans le quotidien du griot.

Ablaye Cissoko chante Soutouro, le secret du singe


Le griot est un personnage intrigant. Il appartient à une institution générationnelle : on ne devient pas griot, on naît griot. La mémoire et le savoir des pères et grands-pères se transmettent aux fils, et la chaîne générationnelle se doit d'être chérie. Ablaye Cissoko raconte que la perte de son père fut la perte de son miroir. La naissance de son fils, miroir retrouvé, lui rendit son identité : le griot ne saurait exister sans passé ni futur, il ne saurait se définir par une individualité isolée.

Le griot n'est pas seulement le gardien d'une mémoire collective. Il est, comme le souligne l'historien sénégalais Mamadou Diouf interviewé dans le film, le conteur-faiseur d'une histoire faite de succès, une histoire positive qui a une fonction morale : détourner de la médisance, du mensonge et de la méchanceté. Le griot d'hier était conseiller du roi, annonceur des victoires et des défaites, mais aussi arbitre de sa communauté de voisins.

Si le griot d'aujourd'hui est plus artiste que conseiller, son rôle se trouve en transition : sa mémoire se heurte à la tentation d'imaginer l'avenir du Sénégal en dehors du Sénégal, cette tentation qui pousse les jeunes générations à risquer leur vie sur le chemin de l'immigration. Ablaye Cissoko visite un centre culturel délabré et abandonné au vide... il se lamente mais n'a pas perdu tout espoir : le griot peut redonner un sens au développement du Sénégal – il faut lui donner les moyens.

Malheureusement, Griot nous laisse quelque peu sur notre faim. La caméra de Volker Goetze ne dépasse pas vraiment l'étonnement de la rencontre, et les images frôlent sans arrêt l'exotisme superficiel. Les interviews, pourtant riches, se succèdent sans qu'on saisisse véritablement le fil de l'histoire.

De multiples questions restent sans réponse : Goetze n'explore pas la rencontre entre la musique jazz (lui-même apparaît à la trompette) et le chant du griot, et tandis qu'il nous donne à voir de longs et beaux extraits musicaux, il ne s'interroge jamais sur le processus d'écriture musicale du griot, ni sur la tension entre conservation et recréation de son héritage...

Des défauts qui n'entachent cependant en rien la richesse et beauté musicale d'Ablaye Cissoko.


La bande-annonce du film

ZOOM

L'actu d'Ablaye Cissoko

Musicien internationalement reconnu, Ablaye Cissoko est fils de griot, né à Kolda, petite ville de Haute-Casamance au Sénégal. Il apprit la kora à 8 ans, et ne l'a pas quittée depuis.

Après le conservatoire de musique de Dakar et un séjour en Norvège, il s'installe dans la ville jazz du Sénégal, Saint-Louis, qui devient son berceau musical d'adoption.

De sa rencontre avec Volker Goetze naissent des conversations musicales à l'infini, du jazz mandingue, et trois très beaux albums : Sira (2009), Amanké Dionti (2013) et Djaliya en 2014.

Ablaye Cissoko fait voyager sa kora à travers le monde: plus d'infos sur www.ablaye-cissoko.com/


Ablaye Cissoko et Volker Koetze présentent leur nouvel album, Djaliya 

Anaïs Angelo