Simb, le spectacle des Faux-Lions

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Simb, le spectacle des Faux-Lions

Editions de l'Eveil Les Faux-Lions sénégalais vous feront rugir d’étonnement !

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Au Sénégal, le spectacle des Simb, le jeu du Faux-Lion, fait partie, avec la lutte sénégalaise, des grandes attractions populaires favorites.

L’origine de cette coutume et de ces danses remonte aux temps animistes et fétichistes antérieurs à l’Islam. Les hommes étaient alors soumis aux esprits qui pouvaient prendre le contrôle d’un individu malgré lui, de façon aussi soudaine qu’imprévisible.

Dans le cas présent, suite à une rencontre avec un diable transformé en lion, ou avec un lion particulièrement fier et féroce, un homme pouvait, choqué par une rencontre aussi imposante, être possédé à son tour. Cela n’était pas sans conséquence et une cérémonie de désenvoutement était alors indispensable pour permettre à l’homme de réintégrer la communauté humaine.

Simb, the Lions of Senegal, part 1.

Car c’est de possession dont il s’agit et, en tout cas à l’origine, le jeu du Faux-Lion était une véritable cérémonie de désenvoutement. Le nom de Simb viendrait d’ailleurs du mot simboo, nom donné à un lion particulièrement puissant en son temps.

Face à un animal de cette importance, l’homme peut s’en sortir par des « jat » en « l’hypnotisant par des formules magiques ».

Depuis les années quarante, ces cérémonies se sont théâtralisées devenant un vrai spectacle de rue, codifié, avec vente de billets à l’entrée et gare à celui qui resquillerait… les lions pourraient s’emparer de lui et lui faire subir quelques avanies.

Les Faux-Lions se maquillent soigneusement, et, au fur et à mesure de leur transformation, « changent de peau » en se laissant posséder par l’esprit de l’animal. Une fois métamorphosés, avec ses assistants (comme, par exemple, deux Hommes-Lions, deux Hommes-panthères et deux Hommes-Femmes), ils pénètrent enfin dans l’arène aménagée pour le spectacle. Les danses sont vives, endiablées, les tam-tam insistants et le Faux-Lion et ses acolytes font l’admiration des foules pour leurs talents de danseur.

Simb, the Lions of Senegal, part 2.

Hana Geroldova (cf. Zoom de l'article ci-dessous) décrit une scène étrange et qui reflète bien les enjeux de ce spectacle :
« Une panthère amène une fillette transie de peur. Il veut l’asseoir au milieu de la place encadrée par les spectateurs et les musiciens, sur le sable mouillé, à côté du lavabo avec de l’eau sale. Ce lieu est celui de la honte et de l’humiliation… Cependant aujourd’hui, cette petite fille-là, saisit le microphone du chanteur, se tourne vers le lion et, avec son index pointé sur lui, prononce les formules magiques du “jat”.
Le lion l’obéit. Le “jat” résonne bien : il correspond au rythme des tam-tam. La voix de la fillette ne faiblit pas et les paroles des formules sont justes. Le lion tombe sur ses quatre pattes et tourne trois fois autour de l’enfant. Il est dompté. Les spectateurs récompensent l’héroïne par des hourras. »

Il faut savoir que le « Jat » est la langue – un mélange de wolof, d’arabe et de peul – qui, elle seule, permet de communiquer avec le lion qui, lui, ne comprend rien d’autre.

Le livre de photos de Laurent Gudin, nous fait pénétrer dans ce monde étrange, comme un voyage imaginaire entre rêve et fiction qui surprend, dérange presque.

simb

Le pouvoir et la beauté du simb tels qu’ils apparaissent sous le regard du photographe Laurent Gudin.


Ces photos sont prises lors des spectacles et nous font pénétrer dans les coulisses et nous font vivre la métamorphose des Faux-Lions en nous faisant partager l’intimité des protagonistes. C’est de cette mutation que traite cet ouvrage qui s’impose de lui-même en nous proposant des documents photographiques rares car le sujet a été très peu traité (c’est d'ailleurs le seul disponible). 

Il nous fait pénétrer dans les secrets des préparatifs, quand on applique les maquillages colorés, l’on revêt les crinières, les colliers de cauris, les bijoux et que petit à petit s’opère la transformation magique, le moment où le danseur devient lion.

Simb

Laurent Gudin met en valeur une galerie de personnages magiques qui incarnent la force brute et sauvage à la limite de la transe et de l’extase.


Nous sommes dans un genre bien particulier entre reportage, portrait artistique et anthropologie en fixant ces moments étranges où l’homme n’est plus tout à fait lui-même pour la plus grande joie des spectateurs.

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Zoom

La danse des Faux-Lions : théâtre et/ou thérapie ?

Le lecteur curieux pourra trouver de riches renseignements dans l’un des rares textes disponibles traitant de ce sujet, « Simb, le jeu du Faux-Lion », de Hana Geroldova (dans « De l’instinct théâtral » aux éditions de L’Harmattan, 2004).

Les témoignages cités dans cette étude sont particulièrement instructifs : 

« Un jour, ma mère avait préparé du riz à la viande. Au cours du repas, ma tante a touché un bon morceau de viande. C’est ce jour-là que nous avons compris que Iba Loo était un Faux-Lion. Il a crié, il a tremblé. Tout son corps a frémi, il est entré en transe. Il est tombé. Même mon père qui était son ami intime, ignorait que Iba Loo était un Faux-Lion ».

« … l’homme était hors de lui, les yeux injectés de sang, les muscles bandés, les poils du torse et les bras hérissés, le corps en transe ; il pouvait à peine tenir sur les jambes ; il était en proie à de violentes crises… »

Ces cas de possession trouvaient leur dénouement dans la cérémonie du Simb.
Celle-ci a évolué en se théâtralisant. Cela revient-il à dire que cette part de catharsis a disparu du spectacle ?

Pas si simple. On peut même considérer qu’elle s’est inversée et que le spectateur est devenu le patient de la thérapie.

Le Faux-Lion, en se mettant en situation, permet à ce dernier de dominer ses peurs : peur du fauve, peur de la force brutale, peur de se trouver humilié devant les autres, de ne pas arriver à dominer une situation conflictuelle…

Aujourd’hui, cette proximité entre spectacle-théâtre et soins médicaux peut surprendre mais c’est oublier que cette parenté – qui n’est explicite que dans certaines approches thérapeutiques – est, elle aussi, très ancienne dans la culture occidentale. Dans la Grèce antique (IVe siècle avant JC), le sanctuaire d’Épidaure était déjà célèbre pour son culte à Asclépios – l’Esculape romain – pour les soins qui y étaient dispensés et pour son superbe théâtre qui faisait partie intégrante des traitements.

Rédigé par 2Biville

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