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COLIN DELFOSSE, un train qui n'en était pas un

Des hommes face aux machines

Sensation d'apprécier les minuties d'un visage, d'une roue, d'une main au travail, mélange du vieux avec du neuf et rejaillissement des souvenirs, c'est l'impression avec laquelle ressort le visiteur après un passage à la salle d'exposition de l'Institut français de Lubumbashi.

Par une immersion grandeur nature ou par un regard rapide, comme ce machiniste en face de son tableau de bord qu'il éclaire par une torche, Colin Delfosse nous rapproche de l'objet, comme une invitation à observer, à s'arrêter et à s'interroger dans son expo intitulée « SNCC, des machines et des hommes ».

Expo Colin Delfosse 1

L'exposition de Colin Delfosse, c'est aussi un reportage. Il nous ramène vers la réalité des chemins de fer congolais, entre espoirs et désillusions.

« C'était l'occasion pour moi de raconter l'histoire du train au Congo avec les perspectives et attentes de la population », confie le photojournaliste. Il s'agit d'embarquer avec lui, à partir de la forêt équatoriale du Parc de l'Upemba, en passant par un no man's land entre Kolwezi, l'autre ville cuprifère, et le fin fond des 5033 km de voies ferrées de la Société Nationale du Chemin de fer du Congo (SNCC).

Sur l'espace d'exposition, se crée un autre espace, plus humain : celui du débat.

« Nous avions 19 trains avant le Covid, aujourd'hui, nous n'en possédons plus que deux », se plaint un des responsables de la société, en face d'une affiche de "Diamant Béton" longeant une pente, passé voir le résultat de la recherche du photojournaliste belge. « Ça rappelle des souvenirs, ça suscite des débats, ça pose des questions. En fonction des générations, le rapport avec les images n'est pas le même, au contraire différent. Il y a ceux pour qui, parce qu'ils sont plus jeunes, c'est carrément une découverte du train, ils n'ont jamais voyagé en train et c'est un moment d'interrogation pour eux. Pour les personnes plus expérimentées, c'est plus des souvenirs d'enfance, de voyage, ils avaient des pères cheminots par exemple », se réjouit l'auteur.

Un regard nu sur les images d'une précision mesurée, permet aussi de voir quele train « Diamant Beton », annoncé avec faste et fanfares, n'en était pas un. Qu'importe, l'essentiel ne se voit qu'avec le cœur. L'exposition « SNCC, des machines et des hommes » est aussi une rencontre avec l'histoire.

Expo Colin Delfosse 3

C'est l'autre force de l'exposition de Colin Delfosse, elle ne laisse pas indifférente. « Tout me rappelle le Bas-Congo » s'extasie une visiteuse, « Ici, c'est Kolwezi, je le sais » pointe Séphora, une éditrice à Lubumbashi, « Eza elengi » estime une dame, les yeux plantés dans l'énorme touffe d'arbres de quelques centimètres plus hauts devant elle.

« C'est une excellente découverte pour moi. Pour la première fois, je pouvais mesurer la longue histoire de la SNCC, les archives de l'époque et ce que nous voyons d'elle aujourd'hui, par cette exposition. C'est magnifique », résume Néhémie, curieux étudiant de passage après la découverte de l'annonce via les réseaux sociaux.

« SNCC, des machines et des hommes » survivra plus longtemps que le 7 juin, date jusqu'à laquelle l'exposition restera ouverte au public de la Halle de l'étoile.

ZOOM

Un photographe reconnu sur la scène internationale

Basé à Bruxelles, en Belgique, Colin Delfosse est photographe free-lance et membre fondateur du collectif Out of Focus.

Travaillant sur des projets personnels à long terme en République démocratique du Congo, dans la région d'Afrique centrale et dans les États post-soviétiques, Colin Delfosse combine des missions sur le terrain pour des ONG avec des missions à Bruxelles. Il est également rédacteur en chef et membre fondateur du magazine d'investigation belge Médor.

Son travail a été présenté lors de festivals tels que les Rencontres d'Arles, Paris Photo, Circulation(s), Lagos Photo Festival, Lodz Fotofestiwal et projeté à Visa pour l'Image ; il a remporté plusieurs prix : POYi Award of Excellence, Nikon Press Awards, PDN Photo Annual Awards, Sony World Photography Awards. Delfosse travaille régulièrement avec le New York Times, Le Monde et Jeune Afrique.

Plus d'informations ici : http://www.colindelfosse.be.

Iragi Elisha