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COLIN DELFOSSE, le Congo dans la peau

"Le Congo est plein de sujets non exploités"

Après plusieurs années de travail sur et en RDC, le photojournaliste belge Colin Delfosse a exposé pour la première fois à Lubumbashi, la deuxième ville du pays.

Entre son travail qui remet à jour les souvenirs, ses projets et sa démarche, Colin Delfosse documente la vie telle qu'elle se présente à son objectif.

Nous avions publié il y a peu de temps notre compte-rendu de son exposition "Des machines et des hommes"à l'Institut français de Lubumbashi, voici à présent en complément notre entretien avec un photoreporter connu et totalement passionné par le Congo auquel il a consacré et continue de consacrer de nombreux travaux.

Pourriez-vous nous résumer votre parcours professionnel ? 

Colin Delfosse : Je suis photographe documentaire et je travaille comme indépendant depuis une quinzaine d'années, la plupart du temps en République Démocratique du Congo, mais aussi dans les pays de l'Afrique centrale. En même temps, je travaille sur des sujets personnels et des travaux de commande.


C'est votre quantième exposition à Lubumbashi ?

Colin Delfosse : SNCC est ma deuxième exposition dans un institut français, ma première c'était il y a six ans à Kinshasa (capitale de la RDC), et la première à Lubumbashi.

Quel sujet abordez-vous dans ce travail ?

Colin Delfosse : Ce travail porte sur la SNCC (Société Nationale de Chemins de fer du Congo), je l'ai effectué fin 2020. J'y raconte le voyage du train « Diamant Beton », qui part de Lubumbashi jusqu'à Ilebo, au Kasaï. C'était l'occasion pour moi de raconter l'histoire du train au Congo avec les perspectives et attentes de la population. L'exposition suscite beaucoup de réactions, de bruits, car elle rappelle à beaucoup de gens leurs souvenirs de voyage en train. Dans une province aussi grande comme le Grand Katanga ou dans un pays aussi grand que la RDC, voyager en train est devenu un luxe, malheureusement inaccessible pour beaucoup.

Pour réaliser cette série, avez-vous vécu l'aventure ?

Colin Delfosse : C'était le deuxième trajet du train « Diamant Béton ». J'ai fait une partie du trajet jusqu'à Kamina (province du Haut-Lomani, sud-est de la RDC), pour d'autres prises de photo sur place. C'est un train de luxe, mais un luxe chinois. Le côté aisé restait donc sommaire, mais l'aventure était très intéressante en termes de paysages, de rencontres aussi. Les Cheminots de la SNCC étaient très accueillants, très sympathiques, ils m'ont beaucoup aidé pour la réalisation de ce reportage. En somme, une belle expérience.

Dans l'exposition, on découvre que vous avez fait un mélange harmonieux entre du vieux et du neuf.

Colin Delfosse : C'est vrai, il y a des images d'archives qui ont été amenées de l'Africa Museum de Tervuren (Belgique), qui possède une collection incroyable d'archives de l'époque de la construction du chemin de fer au Congo. Ce sont des images très visuelles qui racontent à la fois les souffrances que le peuple congolais a endurées pour la construction de ces chemins de fer, mais aussi l'épopée formidable qu'a été ce travail gigantesque.

Comment avez-vous travaillé pour réaliser l'expo ?

Colin Delfosse : Les photos je les ai prises seul, mais j'ai été aidé, pour les accès à la SNCC et aux photos d'archives à Tervuren. Les amis de l'Institut français m'ont aidé pour l'accrochage, qui ne le laisse pas penser, mais c'était un exercice très minutieux et où nous avons investi du temps. Je les remercie.

Pour votre expo, où vous étiez présent au vernissage, quel accueil a reçu votre travail ?

Colin Delfosse : Comme je disais, sur place déjà, l'expo rappelle des souvenirs, elle suscite des débats, pose des questions. En fonction des générations, le rapport avec les images n'est pas le même, au contraire. Il y a ceux qui, parce qu'ils sont plus jeunes, c'est carrément une découverte du train, ils n'ont jamais voyagé en train et c'est un moment d'interrogation pour eux. Pour les personnes plus expérimentées, c'est plus des souvenirs d'enfance, de voyage, ils avaient des pères cheminots, par exemple. D'où le débat sur ce qui a été fait de l'héritage du train ici.


Après cette exposition, quels sont vos projets ?

Colin Delfosse : J'en ai beaucoup (rires). Je travaille sur la Gécamines (entreprise nationale de mines et géant depuis l'époque coloniale) à Likasi (au Haut-Katanga), revisiter ce géant. C'est un travail assez peu original sur les mines au Congo. Ensuite, je vais au Niger pour un autre projet avant de revenir à Kinshasa pour un projet que je vais réaliser en juin.

Quels sont vos thèmes de prédilection ?

Colin Delfosse : De la photographie documentaire qui touche au social, souvent ce sont des portraits, parfois elle raconte des situations, etc. Ce que j'aime, c'est de raconter les histoires dans le long terme, des histoires qui me disent quelque chose d'un lieu, que ce soit au Katanga avec le train ou des travaux qui racontent le lieu où l'on est, mais qui le raconte à travers les personnes.

Crédit photo : Wilfried Magazine

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Le travail de Colin Delfosse est étroitement lié à la République démocratique du Congo.

De sa découverte du Congo lors de son premier voyage 2006, ses travaux l'amènent dans ce pays de l'Afrique centrale qu'il ne quitte plus depuis 15 ans. Il alterne entre des sujets historiques ou politiques, à l'image de son reportage sur la remise de la relique de Patrice Lumumba, les mines avec la Gécamines ou la SNCC, société nationale de chemin de fer au Congo et l'héritage colonial belge. Il documente et capture des instants et des moments, sans prétendre être un « spécialiste du Congo », en restant d'abord photojournaliste.

"Je me suis attaché aux gens et le Congo est plein de sujets non exploités, d'histoires non racontées. Cela me pousse à y retourner."

Parmi ses projets au Congo, « Dasing Ashes », le saisissant « Daily Life in Nord Kivu » où il photographie la résilience des populations face au chaos perpétuel et les incessantes guerres au cœur des paysages sublimes. Il a sublimé la décadence de Mobutu au travers « Les Éléphants blancs » (2014), projet où il revient sur les bâtiments monstres de l'époque du Zaïre, aujourd'hui abandonnés. Son reportage « Catcheurs congolais » (2010-2013) lui a permis de poser un nouveau regard loin des clichés sur le Congo. « Je voulais montrer autre chose que les horreurs qui peuvent s'y dérouler. » Il a remporté le prix 2011 du PDN Photo Annual Award grâce à cette série.

Iragi Elisha