Larivière

Albums / République Démocratique du Congo

LARIVIÈRE rencontre Jupiter !

Fleuve Records Un héritage à préserver !

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Le producteur Larivière a collaboré avec l'iconique musicien congolais Jupiter, à l'occasion d'un titre percutant qui nous rend attentifs à la pollution... Rencontre ! 

Comment cette collaboration avec Jupiter Bokondji a-t-elle vu le jour ?

Larivière : Dans le cadre de la collection LARIVIÈRE Meets Vol.1, j'ai eu la chance de pouvoir inviter des chanteurs tels que So Kalmery (Congo), Ipomen Leauva (Guadeloupe), Edgar Rebel (Centrafrique), Makara, chanteur du groupe kinois KOKOKO! ainsi que l'artiste et poète colombienne Catalina Valencia Ramirez. J'ai rencontré ces artistes au hasard de la vie, en voyage, en tournée. Concernant Jupiter, j'ai contacté son management que je connais depuis quelques années. Sur la collection, je souhaitais inviter un autre artiste emblématique de Kinshasa et ils ont accepté. J'avais découvert Jupiter sur l'album DRC MUSIC de Damon Albarn et dans le documentaire "La Danse de Jupiter" réalisé par la Belle Kinoise.

Le morceau que vous avez réalisé ensemble s'appelle "Lokutshu", qui veut dire "héritage"en lingala. Pourquoi ce titre ?

Larivière : Lokutushu signifie bien « héritage » en kimongo, ethnie de Jupiter Bokondji. Le jour de l'enregistrement en studio, Jupiter a dû faire face à une histoire personnelle d'héritage. Comme vous pouvez l'imaginer, c'est un homme entier et authentique. C'était tout naturel pour lui de se servir de sa réalité du moment pour faire passer un message.

Dans "Lokutshu", son discours prend racine dans le vécu et l'émotion comme dans le reste de la collection où j'ai proposé aux artistes d'écrire sur des sujets humanistes, universels. Ils y chantent la force des gens qui travaillent la terre, la fraternité, l'unité, l'amour, la fragilité de l'enfance et de la vie avec leur propre poésie et leur propre langue. L'ancrage de leur témoignage dans leur intime expérience a permis d'aborder avec plus de consistance ces thèmes qui pourraient paraître naïfs, mais qui restent essentiels, surtout en ce moment.

Je suis heureux que Jupiter ait choisi de poser la question de ce que nous laisserons derrière nous, aux générations futures. D'autant plus qu'il a une voix pleine d'histoires qui impose le respect.

Comment avez-vous collaboré avec le performeur Eddy Ekete, célèbre pour son costume en canettes ?

Larivière : Eddy Ekete est un ami. Il y a une dizaine d'années, une amie chère, décédée aujourd'hui et à qui nous avons dédiée le clip, ne cessait de me parler du travail d'Eddy qu'elle connaissait bien. J'ai fini par le rencontrer dans les coulisses de la Gaité Lyrique après un concert de KOKOKO! qu'il accompagnait avec une performance, il y a 4 ans. Nous nous vîmes à nouveau quand le groupe passa au studio et l'idée vint de faire quelque chose ensemble; créer de la musique à partir du son de ses costumes.

Il m'a invité à assister aux essayages de ses créations pour le Vol du Boli, spectacle de Damon Albarn avec Jupiter et Fatoumata Diawara au Théâtre du Châtelet. Nous avons aussi collaboré sur un titre du prochain album de Rey Sapiens, artiste congolais du collectif Nyege Nyege.

Pour "Lokutshu", il m'est paru évident d'illustrer le propos de Jupiter avec la poésie d'Eddy. Je suis très touché par son travail et sa démarche artistiques que je trouve très oniriques, politiques et ludiques à la fois. J'ai d'ailleurs réalisé un podcast sous forme d'interview d'Eddy Ekete, dans lequel il nous parle de ce qui l'anime à travers l'Homme Canettes et ses autres créatures.

Combien de temps la réalisation du clip très réussi vous a-t-elle demandé ?

Larivière : Merci ! Le clip a été tourné en 2 jours. Il y a évidemment un temps de préparation en amont pour trouver l'équipe et tout ce qui relève de la logistique. Finalement l'équipe a été montée avec de proches amis tels que le chef op et cameraman Arthur Lauters, le réalisateur Sébastien de Monbrison, des voisins pour le soutien technique. Le montage a été réalisé par Vincent Vergne du label Motif Music qui a coproduit le clip avec Fleuve Records mon label. L'étalonnage a été réalisé par la talentueuse Lydia Lopez.

Nous avons fait les repérages avec l'Homme Canettes deux jours avant le tournage, autour de chez moi, dans le parc naturel du Morvan en Bourgogne. L'atelier d'Eddy a brûlé 1 mois avant le tournage avec la plupart de ses créations et costumes. Il restait un costume d'Homme Canettes, mais trop petit pour lui. Eddy fait plus de 2 mètres. Il a demandé à un membre de son crew, Willy Moukoms de porter le costume et l'a dirigé.

Avez-vous eu également un regard sur la direction artistique du clip ?

Larivière : Sébastien de Monbrison a réalisé le clip à partir d'une idée que j'ai eue de mettre en scène l'Homme Canettes, héritier de notre humanité, dans un contexte post apocalyptique. La seule présence humaine réside dans des vestiges de notre civilisation sur lesquels la nature aurait repris le dessus. Le réalisateur est membre d'Extinction Rébellion (mouvement international de désobéissance civile en lutte contre le dérèglement climatique et la menace écologique, créé en 2018), et il va sans dire qu'il est très sensible à ces questions.

De plus, il a fait plusieurs voyages en Afrique durant lesquels il a pu filmer des rites traditionnels au Bénin et faire des repérages pour son prochain documentaire sur "Mamy Wata", divinité aquatique que l'on retrouve dans des rites en Afrique, aux Caraïbes et sur le continent américain. Sébastien de Monbrison a su conserver la poésie et l'engagement du travail d'Eddy. Sa sensibilité, son interprétation de la musique et des propos de Jupiter ont fait le reste.

Pensez-vous que la musique, et l'art en général ont pour mission première d'inviter à une prise de conscience sur des sujets aussi importants que l'écologie ?

Larivière : Je crois que l'art en général est indissociable du bien-être d'une société, d'une communauté. Cela crée un espace de liberté pour exprimer, partager des ressentis et réagir aussi bien avec philosophie et avec le corps à ce qui nous entoure. A titre personnel, pouvoir exprimer mon individualité et la connecter à l'universalité grâce à l'art, depuis que je suis petit, à travers la danse, la musique et la poésie m'a sauvé la vie. Avoir un espace pour se distraire sans jugement, parler à travers le corps, le son et tout ce que nous avons sous la main est primordiale pour contacter la force de vie qui nous anime et contacter l'esprit dans toute chose. Je pense que oui c'est un chemin vers la paix intérieure.

Pensez-vous que la culture peut nous faire prendre conscience des menaces écologiques auxquelles nous sommes confrontés ?

Larivière : Effectivement, aujourd'hui, tous les médias de la culture sont bons pour nous rappeler que nous sommes la Nature et que les menaces écologiques sont aussi des menaces à l'encontre de nos semblables. Avant la culture, il y avait l'agriculture. A travers mes voyages et les rencontres avec des musiciens traditionnels, j'ai appris que l'art a d'abord été un témoin des grands moments de vie des communautés : la naissance, la mort, les unions, les récoltes, la préparations des aliments, le lien à l'invisible, à ce qui échappe à la raison et à l'appréhension. La culture est indissociable des médias et de la technologie. A nous de faire en sorte que cela ne se retourne pas contre nous.

Vous avez également collaboré avec le centrafricain Edgar Rebel. Pourriez-vous nous parler de cette autre rencontre musicale ?

Larivière : Edgar Rebel est le premier artiste avec qui j'ai travaillé sur la collection LARIVIÈRE Meets Vol. 1. Nous nous sommes rencontrés chez des amis en commun. Il m'a proposé de s'amuser à composer un titre d'Afrotrap ensemble. C'est comme ça que le titre Zakolongo est né, à partir d'une comptine que chantent les enfants en Centrafrique. Au cours de nos séances de studio, nous avons créé une musique libérée des contraintes de style, avec la seule envie de faire danser les gens, de leur faire traverser les sujets qu'il aborde avec le corps pour aller de l'avant. Dans "Zakolongo", Edgar chante la fragilité de l'enfance en sango, sa langue natale. Il nous parle des enfants soldats.

Dans "N'Gangou", second titre que nous avons composé ensemble avec la participation du producteur et mixeur Denise, Edgar aborde la force qui anime les gens qui cultivent la terre. Le ton était donné pour lancer la collection avec d'autres invités et d'autres histoires au sein des tropiques. La confiance qu'Edgar m'a accordée et l'envie de créer ensemble alors que nos cultures sont très différentes m'ont motivé pour le reste de cette aventure.

Quels sont vos prochains projets ?

Larivière : Je rénove une grange de 100 m2 en studio d'enregistrement résidentiel dans les collines et forêts du Morvan pour accueillir de nouvelles collaborations artistiques. Je prépare aussi la scène car ma musique est pensée pour ça.

Un projet qui me tient à coeur est la rencontre entre les créatures d'Eddy Ekete et le groupe de carnaval guadeloupéen VIM avec qui j'ai eu la chance de travailler. J'aimerais enregistrer le vol. 2 de la collection avec cette fois des chanteuses pour continuer à composer goutte à goutte LARIVIÈRE.

Mention spéciale à la plateforme Groover, sur laquelle nous avons découverte le morceau "Lokutshu", et grâce à laquelle nous avons pu entrer en contact avec Larivière.

Zoom

Ode à la fusion

De manière générale, croyez-vous à la fusion de musiques très différentes ?

Larivière : Oui bien sûr j'y crois, mais au-delà de ma croyance, les faits sont là.

L'histoire de la musique s'est écrite par la rencontre d'artistes de différentes cultures, de différents horizons. C'est déjà un acte d'altérité, de curiosité et de communion en soi.

La Cumbia, par exemple est née de la rencontre des cultures amérindiennes, des esclaves afro descendants et des Espagnols. C'est le cas du jazz, de la pop, du hip hop, de la musique électronique et de la majeure partie de la musique populaire aujourd'hui. C'est pour cela que je me suis intéressé à la musique créole, particulièrement aux Caraïbes. Pour moi, c'est un centre névralgique où une multitude de cultures se sont croisées et ont cohabité, avec leur histoire, leurs souffrances, leurs joies et leurs espoirs. J'ai réalisé la série de podcasts Delta Kreol à propos de cela.

Les cultures ont surfé sur l'histoire et ont généré ce qui fait danser le monde aujourd'hui.

Pour moi, la fusion sous entend qu'on perd son individualité comme si 1+1=1. En réalité je vois tout ça comme un grand tissage et je crois que 1+1= 3 voire plus !

Matthias Turcaud

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