Kizaba

Albums / République Démocratique du Congo

LIONEL KIZABA, du Congo au Canada

Entre électro et tradition

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Lionel Kizaba évolue et travaille au Canada depuis 2011. Il n'a en aucun cas, cela dit, renié ses racines, puisqu'il chante en lingala et s'inspire de rythmes traditionnels congolais pour sa musique électro. Rencontre.

Comment en êtes-vous arrivé à ce mélange de sons électroniques et traditionnels que vous pratiquez actuellement ?

Lionel Kizaba : Cela peut paraître bizarre à première vue, mais, en arrivant au Canada, j'ai pu profiter de la bonne connexion internet (ce qui n'est pas si évident en Afrique !) et j'ai fait des recherches musicales sur ce qui se faisait ici.

C'est là que j'ai écouté Daft Punk, Konono n°1, Avicii, David Guetta et Black Coffee. Ces artistes m'ont grandement inspiré. Grâce à mon oreille musicale bien développée, je suis arrivé à mélanger les deux mondes, soit les rythmes typiques de mon pays d'origine, et ceux, plus occidentaux, de l'Amérique du Nord.

L'inspiration vous rend-t-elle souvent visite ? De quelle manière ?

Lionel Kizaba : Oui, elle m'arrive de partout ! Dans la douche, dans ma voiture, et même en marchant, quand une voiture passe à côté de moi et quand la musique est forte, ça m'inspire. A ce moment, je prends mon téléphone et j'enregistre une idée qui me traverse la tête. Une fois à la maison, je reprends tous ces bouts d'idée et je conçois des sons, des rythmes et des chansons.

Quels musiciens congolais vous ont-ils fait grandir et inspiré ?

Lionel Kizaba : La musique de Papa Wemba, Bana Ok, Zaiko Langa Langa et la musique traditionnelle du Congo RDC.

Vous avez évolué comme batteur pour différents groupes au Congo-Kinshasa. Qu'est-ce que cette expérience vous a apporté ?

Lionel Kizaba : Cela m'a permis de développer une expérience significative et une aisance dans différents styles musicaux. De plus, en participant aux projets de différents artistes, j'ai pu développer et créer mon propre style. Bien entendu, au Congo-Kinshasa, j'ai développé mon expérience de musicien sur scène.

A l'Institut national des arts de Kinshasa, vous avez complété votre formation grâce au professeur François Mantuila. A quel point ce dernier s'est-il révélé important dans votre parcours ?

Lionel Kizaba : En plus d'être mon oncle, François Mantuila m'a partagé son amour et sa passion pour la musique. Il était très rigoureux et exigeant. Je n'ai eu d'autres choix que de peaufiner mon style et mes techniques.

Sa formation m'a permis, une fois arrivé au Québec, de travailler avec plusieurs artistes et d'avoir la chance de visiter tout le Québec et le Canada, et plusieurs pays à l'extérieur du Canada, en participant aux albums et aux tournées de Mario Saint-Amand, Manu Militari, Afrotronix, Mehdi Nabti, Mélisande Electro-Trad, Sébastien Lacombe et Zab Mabungu - Compagnie Danse Nyata Nyata, entre autres.

Depuis peu, je collabore avec Gone Deville, qui est DJ. Nous avons collaboré récemment et la chanson "Bolingo" est née. Gone Deville participera à la création de mon prochain album. Nous travaillons bien ensemble, nous sommes sur la même longueur d'ondes.

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En 2009, vous avez créé Jazz Mobile en rassemblant plusieurs musiciens de jazz très doués de Kinshasa. Quels souvenirs en gardez-vous ?

Lionel Kizaba : Ca m'a beaucoup aidé à développer mon esprit de création et d'improvisation spontanée ! C'est toujours très inspirant et intéressant de jouer avec des musiciens de talent. On dirait que tout se fait tout seul. On ne réfléchit pas, on joue tout simplement !

Pouvez-vous nous parler de votre collaboration avec le musicien tchadien Afrotronix ?

Lionel Kizaba : Après que Caleb Rimtobaye, alias Afrotronix, m'a vu dans une performance avec Afrikelektro, il a tout de suite su que j'étais la bonne personne pour collaborer avec lui. Il a bien vu que je mélangeais les deux mondes musicaux, traditionnel et électronique, dans ma voix, mon jeu de batterie et de percussions traditionnelles congolaises.

La collaboration s'est faite de façon tellement facile, puisque tous les deux on cultive l'improvisation spontanée très développée. Ca nous arrive au studio, sur la scène lors de performances. Tous les deux on est capable de faire un show live totalement improvisé.

De 2011 à cette année, vous avez fait vivre AfriKeleKtro. Quel bilan dressez-vous de cette aventure ?

Lionel Kizaba : De 2011 à 2017, ça a été le tout premier projet artistique que j'ai bâti en arrivant à Montréal. J'ai collaboré avec deux musiciens de talent. Mon objectif était de faire vivre la musique électronique à partir d'instruments de musique, pas seulement via des trames sonores. Nous avons fait connaître AfriKeleKtro au Québec et dans une partie du Canada. J'en garde un très bon souvenir.

Qu'est-ce qui vous a finalement conduit à lancer votre projet solo "KIZABA" ?

Lionel Kizaba : Je voulais vivre une grande aventure en solo et surtout faire ressortir toutes les idées que j'ai dans la tête, les inspirations qui me viennent de ma grand-mère, la personne qui m'a élevé, et les sons qui me traversent l'esprit et que je capte à gauche et à droite. Je crée maintenant des sons de manière électronique. Les possibilités sont infinies ! Par la suite, j'ajoute des instruments traditionnels et de la batterie. Je pense que ça va un peu plus loin que ce que je faisais avec AfriKeleKtro.

Avez-vous pu éveiller l'enthousiasme de la population canadienne vis-à-vis du lingala, cette langue si mélodieuse et douce qui est la vôtre ?

Lionel Kizaba : Le lingala est ma langue maternelle et je suis fier de la partager avec les Canadiens qui écoutent ma musique. J'utilise le lingala, surtout quand je parle de la situation sociopolitique dans laquelle se trouve la RDC depuis plusieurs années. D'ailleurs, dans ma chanson "Congo Vivant", je chante en lingala et je parle des 6 millions de morts de l'est du Congo à cause de l'exploitation agressive des minerais qui se trouvent dans cette région du pays.

Etes-vous en contact régulier avec des musiciens congolais ?

Lionel Kizaba : Oui, bien sûr. D'ailleurs, pour mon prochain album, je vais collaborer avec quelques musiciens congolais à Kinshasa. Ce sera la première fois que je remettrai les pieds dans mon pays d'origine depuis 8 ans ! Ce sera très touchant.

Quel regard portez-vous sur la scène musicale congolaise, actuellement ?

Lionel Kizaba : Je suis très content, parce que la musique congolaise continue à traverser des frontières avec la nouvelle génération d'artistes, Fally Ipupa, Ferre Gola, Maître Gims, Dadju, Fabrigas, Innoss'b, Naza, Singuila, Kokoko, Jupiter et Okwess.

Ici, à Montréal, mis à part moi, il y a Pierre Kwenders et Ngabo (Dear Denizen) qui créent des ponts entre la culture congolaise et celle du Québec. Je vois que la culture congolaise a une grande place ici au Canada.

Pour quelles raisons faites-vous de la musique principalement ?

Lionel Kizaba : Parce que je ne peux pas vivre sans la musique. Elle est dans ma peau et elle donne un sens à ma vie.

Zoom

Une famille mélomane

Comment la musique est-elle entrée dans votre vie ?

Lionel Kizaba : Ca fait longtemps qu'elle est entrée dans ma vie.

J'ai grandi dans une famille d'artiste : mon oncle François Mantuila Nyomo était guitariste et auteur, compositeur, interprète et professeur de musique jazz aux Etats-Unis et à l'Institut national des arts de Kinshasa ; ma grand-mère Julienne Lusundi était percusionniste et chanteuse à l'église ; mon oncle Germain Nyomo était drummer de Bana Ok ; mon oncle Jean-Claude Nyomo était luthier de guitares ; mon oncle Félix Nyomo était bassiste.

La musique est arrivée toute seule dans ma vie à cause de la famille, je pense ! A l'âge de cinq ans, je tapais sur tout ce que je trouvais avec des bâtons. Ma carrière de drummer et de percusionniste a commencé là !

Matthias Turcaud

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