Albums / Mali

YEKO, célébrer des grandes voix d'Afrique de l'Ouest

Inouïe Distribution Hommage vibrant à la grande Khaïra Arby

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Avec son album "Yeko", le guitariste Yohann Le Ferrand veut mettre en lumière plusieurs grands musiciens de l'Afrique de l'Ouest, et notamment du Mali. 

Il nous parle ici notamment de sa rencontre très riche en émotions avec Khaïra Arby, aujourd'hui disparue. Rencontre.

Comment votre projet a-t-il vu le jour ? Quand a-t-il germé dans votre esprit ?

Yohann Le Ferrand : Lors d'un voyage en 2012 je me suis immergé dans la musique malienne, j'y suis retourné, des amitiés et opportunités en ont découlé puis cette musique ne m'a plus lâché, tout ce que je joue est inspiré par cette esthétique. J'ai donc commencé petit à petit à enregistrer des compositions à la guitare puis y additionner des musiciens maliens et français au fil des années jusqu'en 2018 où j'ai décidé de proposer ces playback à des chanteurs/euses avec qui j'avais très envie de collaborer.

Pourquoi ce nom, Yeko ?

Yohann Le Ferrand : Il fallait un fil rouge entre tous les featurings qui sont les auteurs des textes, et le bambara est leur langue commune, ce petit mot signifiant "la façon de voir de..." et prend tout son sens tant les invités ont des personnalités musicales et artistiques très singulières.

Quel souvenir gardez-vous de Khaïra Arby ?

Yohann Le Ferrand : Khaïra m'a véritablement accueilli comme un fils musical, c'est une grande âme, tous les Maliens la portent dans leur coeur, très nombreux sont ceux que j'ai rencontré lors de la tournée promotionnelle et qui me racontaient une anecdote sur sa générosité. Je lui suis infiniment reconnaissant d'avoir accepté cette collaboration.

Le morceau "Yerna Fassè" est empreint d'énergie, mais aussi d'émotion, puisqu'on découvre à la fin la dédicace à la mémoire de Khaïra Arby. Comment cette chanson a-t-elle pris forme ?

Yohann Le Ferrand : Je suis venu chez elle avec 4 playback et celui-ci est celui qui a matché le plus, nous avons enregistré au dernier étage dans la chambre de son fils Moulaye en pleine nuit. La chaleur avoisinait les 40° sous les toits de tôle, mais ça ne l'a pas empêchée de refaire plein de prises jusqu'à ce qu'elle soit satisfaite, avec un grand ventilateur dans le dos pour le plus grand bonheur de l'ingé son !

Le clip de ce titre s'avère original et stylisé, en noir et blanc, avec les musiciens qui portent des masques, et des danseurs aux corps peints en blanc. Comment ces choix ont-ils été pris ?

Yohann Le Ferrand : Khaïra est disparue entre l'enregistrement et le tournage du clip, il a donc fallu trouver un scénario sans sa présence physique. Il s'agit donc d'une personne qui part à la recherche de Khaïra dans tout Bamako et elle sera suivie par deux esprits qui de temps en temps la suivent ou la contredisent, ils ne sont pas réels, ce sont des esprits qui imagent les contradictions présents dans la tête du personnage principale.

Je voulais qu'il y ait au maximum une dimension spirituelle, et les masques sur les musiciens contribuent au caractère irréel des personnages. Les musiciens qui représentent la vie musicale de Khaïra, sont des indices qu'elle trouvent tout au long de son parcours et qui la guident vers la colline où elle comprend l'élévation de Khaïra, cette scène la libère de ses tourments.

Avez-vous beaucoup répété et travaillé pour trouver le bon accord entre les cuivres, les percussions, le violon, et la voix de Khaïra Arby ?

Yohann Le Ferrand : Non, il n'y a pas eu de répétition, sur le playback il y avait simplement les guitares, des lignes de basses provisoire et des batteries midi, tout le reste a été pensé après et enregistré un par un, ça a été un vrai jeux de tetris en post prod !

Quelles impressions vous a laissées Tombouctou, culturellement et musicalement ?

Yohann Le Ferrand : J'ai failli m'y rendre par avion militaire une fois avec Khaïra mais ça n'a pas pu se faire et malheureusement l'état d'urgence que connait cette région ne m'a pas permis d'y aller encore.

Comment avez-vous collaboré avec Salimata Tina Traoré pour "Dunia", et Koko Dembélé pour "Sauver" ?

Yohann Le Ferrand : Avec Tina, nous nous sommes rencontrés en 2018 par l’intermédiaire de Rokia Traoré dont elle était la choriste sur sa dernière tournée et je travaillais comme guitariste sur un spectacle de danse de Serge Aimé Coulibaly dont Rokia avait composé la musique. La rencontre musicale a tout de suite fonctionné et entre deux dates de tournée elle est venue chez moi à Rennes. Nous avons composé plusieurs morceaux et Dunia était le plus "évident" de tous à mettre en lumière dans Yeko.

Avec Koko Dembélé la rencontre date de 2013, j'avais arrangé deux de ses morceaux pour la musique du film "Ngunu Ngunu Kan" de la réalisatrice Soussaba Cissé, puis je l'ai accompagné sur quelques dates de sa tournée en France en 2014. "Sauver" va de nouveau servir pour un documentaire de Soussaba, c'est la seule chanson composée par l'invité, il est venu avec les prises voix puis nous en avons refait d'autres pour amener des variantes ainsi que sa guitare rythmique. Ensuite j'ai enregistré les musiciens un par un pour arranger la chanson.

Quel est le secret pour marier le kamelengoni et la guitare ?

Yohann Le Ferrand : Il n'y a jamais de recettes miracle car il y a autant de façon de jouer que de musiciens ! Mais c'est vrai que venant du jazz et du funk, le style de jeux Wassoulou, pentatonique et très syncopé propre au kamelengoni se marie de façon évidente avec les gimmick classiques des guitares funky.

Remerciements chaleureux à Xavier Chezleprêtre.

Zoom

A l'origine

À l'origine, comment votre intérêt pour les musiques de l'Afrique de l'Ouest est-il né ?

Yohann Le Ferrand : J'ai commencé avec de la folk music, puis j'ai bifurqué vers la musique traditionnelle de ma région bretonne, avant de me fixer sur les musiques afro-américaines.

Tout ce parcours m'a amené vers un retour aux sources tant musicales qu'affectives car dans l'enfance mes parents présidaient une association qui organisait chaque hiver des expéditions humanitaires en Afrique de l'Ouest, j'entendais tous ces noms de villes qui sont restés dans ma tête jusqu'à ce que la musique m'y ramène !

Matthias Turcaud

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