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DJELY TAPA, chanteuse mandingue et universelle

Disques Nuits d'Afrique

"Je vis à travers ma musique, la musique vit à travers moi"

Alors que son album "Barokan" vient de sortir, la passionnée et prometteuse Djely Tapa se confie à nous à cœur ouvert. Rencontre.

Au vu de la profession de vos parents, étiez-vous prédestinée à devenir chanteuse vous-même ?

Djely Tapa : Oui, tout à fait. Tout enfant de griot est destiné à suivre les traces de ses parents. C'est comme si j'étais prédestinée à devenir une chanteuse.

Veillez-vous à transmettre constamment la culture mandingue dont vous avez héritée ?

Djely Tapa : Transmettre à mon tour la culture mandingue est un devoir qui me tient énormément à cœur. J'essaye tant que je peux de transmettre ce que j'ai appris de mes aïeux et de mes parents.


Êtes-vous heureuse au Canada ?

Djely Tapa : Je suis très heureuse au Canada sur le plan professionnel et le plan familial. J'ai trouvé ma place ici. J'aime ma vie dans ce pays et les gens là-bas.

Comment vos collaborations avec Zal Cissoko et Abdoulaye Koné se sont-elles déroulées ?

Djely Tapa : Ce sont mes mentors. C'est grâce à eux que j'ai pratiquement fait le tour du Canada, avec leurs deux projets différents. Mes deux frères m'ont beaucoup appris. Avec eux, j'ai appris à maîtriser la scène. Je peux dire que je suis allée à l'école de Zal Cissoko et Abdoulaye Koné. Ils m'ont encadrée comme artiste, ils m'ont montrée le chemin et permis de mieux connaître le milieu.

Quels souvenirs gardez-vous de votre expérience avec le groupe Afrikana Soul Sister, pour lequel vous chantez ?

Djely Tapa : Mon expérience avec ce groupe m'a permis de comprendre qu'à travers la musique toutes les frontières – de couleur ou linguistiques – peuvent tomber. J'ai rencontré des collaborateurs qui sont devenus comme des membres de ma famille. J'ai aussi appris à quitter ma zone de confort, à marier ma musique mandingue avec d'autres styles, et évoluer. Je suis maintenant convaincue que la musique est plus forte que les armes à feu et les guerres et qu'elle peut faire tomber les barrières.

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Comment décririez-vous votre relation avec Oumou Sangaré ?

Djely Tapa : Oumou Sangaré est comme ma mère. Je la connais depuis toute petite, c'est une amie à ma maman. Quand je l'ai rencontrée à Montréal, elle m'a encouragée et soutenu comme une mère. Elle m'a surtout exhortée à continuer de travailler fort ; elle m'a dit que je faisais partie de la relève. Elle veut que je sois plus connue qu'elle ! Ses mots d'encouragements m'ont vraiment galvanisée.

Lors d'une émission au Mali, elle m'avait présentée comme sa propre fille, ça m'avait beaucoup touchée. C'est une femme très forte, sur le plan artistique et personnel ; c'est une femme d'affaires redoutable, également. C'est un exemple pour moi, et je la suis très attentivement.

Comment votre album "Barokan" a-t-il vu le jour ?

Djely Tapa : C'est le résultat de plusieurs années de travail, et de plusieurs collaborations avec d'autres artistes. C'est aussi le fruit de ma rencontre avec AfrotroniX, de mon parcours avec Afrikana Soul Sister, et de l'aide du conseiller des arts du Québec, et de celui du Canada. Ils m'ont beaucoup soutenue pour que cet album voit le jour.


Comment avez-vous travaillé avec AfrotroniX à cette occasion ?

Djely Tapa : AfrotroniX, de son vrai nom Caleb Rimtobaye, est un frère et un ami que j'admire beaucoup personnellement comme artistiquement, et c'est réciproque. Nous avions le souci de trouver notre Afrobeat à nous et nous avons d'abord travaillé sur un projet à lui – j'ai d'ailleurs collaboré pour une chanson de son album. J'aime beaucoup la manière dont il travaille, et sa vision afrofuturiste. Pour moi, c'était tout naturel d'aller vers lui. Caleb avait vraiment compris ce que je voulais faire, et je ne voyais personne d'autre que lui pour réaliser mon album. C'est un homme d'écoute, de cœur, très sensible, un Africain dans l'âme. Il arrive à comprendre ton âme et à la transmettre par la musique.

Que ressentez-vous lorsque vous chantez ? Que vous apporte la musique dans votre vie ?

Djely Tapa : En chantant, je ressens, je vis chaque mot. Quand je chante par exemple sur la rareté dans certaines parties du monde, je le vis avec eux. Je ressens leur souffrance et leur inquiétude, et c'est comme si je manquais d'eau également. La musique est mon travail et mon gagne-pain, mais c'est aussi un moyen pour moi de communiquer, d'exprimer ce que je ressens, de défendre mes idéaux, et de contribuer à parfaire le monde à ma façon, de contribuer à l'humanité. Ma musique, c'est ma vie. Je vis à travers ma musique, ma musique vit à travers moi.

Comment votre rencontre artistique avec Doubleheader pour "Djanto" s'est-elle passée ?

Djely Tapa : Caleb Rimtobaye m'a introduite pour collaborer avec Doubleheader. Ce sont des personnes magnifiques, des gens très gentils, et j'ai eu des atomes crochus avec eux. Ce fut un énorme plaisir pour moi de collaborer avec Doubleheader, et je pense que ce n'est qu'un début. Ce sont de belles personnes, et des artistes incroyables.

Quels artistes vous ont-ils principalement inspiré sur le continent africain ?

Djely Tapa : Oumou Sangaré, Miriam Makeba, Lokua Kanza, Salif Keita, Mory Kanté, Ali Farka Touré, Sory Kandia Kouyaté, Aïcha Koné, Papa Wemba, ma propre mère, beaucoup d'artistes qui ont provoqué ma fibre créatrice. Je ne peux même pas finir de les nommer, mais ma source d'inspiration première sur le continent africain reste Miriam Makeba.

Quels projets avez-vous actuellement ?

Djely Tapa : Je continue avec le spectacle « Barokan », qui a quelques dates ici et là, annulées à cause de la Covid. Nous continuons cependant à nous produire virtuellement. Autrement, le deuxième album d'Afrikana Soul Sister va sortir sous peu, et nous travaillons sur les visuels et les clips. En parallèle, je commence déjà à travailler tranquillement sur mon deuxième album.

Remerciements chaleureux à Djely Tapa et son attaché de presse Arnaud R.

ZOOM

La supervision des clips

Supervisez-vous de très près la direction artistique de vos clips ?

Djely Tapa : Oui, je supervise de très près la direction artistique de mes clips. C'est très important, puisqu'il s'agissait de représenter un monde afro-futuriste, un monde imaginaire. Je peux recevoir des conseils, mais la base se trouve dans ma tête. Je dois vraiment surveiller pour contrôler ça et pour que ma vision soit respectée.

Souvent, le public québécois ou occidental n'arrive pas à comprendre mes chansons – vu que je chante en bambara ou en khassonké, c'est grâce aux clips qu'ils peuvent y arriver. Avec toute mon équipe, on s'efforce de trouver des images qui racontent bien mes chansons. En plus, j'aime beaucoup être au courant de tout et participer à tout, des costumes à la mise en place.

Matthias Turcaud