Poèmes / gabon

Et au-delà de nos songes d'hiver et le parfum de la terre de Steve-Wilifrid Mounguengui

« La parole s’est tue et nous sommes orphelins »

La poésie n’a parfois l’air de rien, et, pourtant, l’important est dit souvent.

Cela s’applique au Gabonais Stève-Wilifrid Mounguengui à la vie duquel l’écriture donne un sens. Il la qualifie même en interview de « fil d’Ariane ».

Une grande tristesse émane de ces poèmes hantés par l’exil, l’absence et la solitude, comme le témoigne ce bel alexandrin un peu seul lui aussi dans un recueil qui en est avare, lui préférant en général des vers plus abâtardis et claudiquant davantage : « La parole s’est tue et nous sommes orphelins » ou le signe d’une double absence qui semble irréversible.

« J’ai tout perdu » et « Je suis seul » clame-t-il ainsi, sa douleur est telle qu’elle devient « innommable » et ses « mélancolies » sont plurielles. Un « vide sidéral » règne.

Le poète, arrivé en une ville austère, hostile et qui n’est pas la sienne – « Paris », répété deux fois, pour former deux vers de deux syllabes chacun – peine à trouver un chemin qui vaille la peine d’être suivi.

MOUNGUENGUI

La ponctuation manque, rendant notable une absence de structuration ; les textes s’apparentent ainsi à des bouteilles jetées à la mer ; les espaces et les silences pesants et nombreux, « cathédrales dans les crépuscules », disent aussi une difficulté à dire, l’éternel casse-tête du poète en des temps difficiles.

« Apothéoses sublimes »

Reste cependant le souvenir d’un amour enchanté auquel le poète s’arrime comme un désespéré, sinon c’est la fin et la mort. Ce souvenir-là c’est du charbon pour les nuits d’hiver trop rudes.

Les bras de l’aimée sont même décrits d’ailleurs comme un « havre » de paix. Dans le sillage d’un Senghor il magnifie cet amour, même s’il est d’hier.

L’écriture reste aussi donc, et, malgré la violence de l’absence et ce reliquat de bonheur à l’état de souvenir, les mots, certains du moins, peuvent continuer à faire encore du bien.

ZOOM

Un ouvrage au sein de la collection « Afrique Poésie »

Dirigée par la romancière Carole Martinez, la collection « Afrique Poésie » a déjà fait paraître neuf autres recueils hormis " Et au-delà de nos songes d’hiver et le parfum de la terre " et vise à faire entendre des voix trop souvent étouffées, venues du Cameroun, du Congo, du Gabon ou d’ailleurs.

L’accent est autant mis sur les paramètres esthétiques que la portée politique.

" Congo, pays natal " de Charles Wola Bangala, " Ames errantes. La danse des ombres " de Duclair Tiotsop Lambou et " Ce qui reste " de Marie-Constance Zeng Ebome font partie des ouvrages  publiés dans ce cadre à ce jour.

Matthias Turcaud