Petit-Piment-Alain-Mabanckou

Romans / Congo-Brazzaville

Petit Piment d'Alain Mabanckou ou la jeunesse africaine orpheline

Mais qui est donc ce Petit Piment ? Le personnage principal du nouveau roman d'Alain Mabanckou !

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Petit Piment est un jeune orphelin de Pointe-Noire.
Petit Piment est débrouillard et facétieux.
Petit Piment va perdre le nord.

Tokumisa Nzambe po Mose yamoyindo abotami namboka ya Bakoko dit Petit Piment coule des jours presque heureux à l'orphelinat de Loango, situé à quelques kilomètres de Pointe-Noire, capitale économique du Congo. L'autoritaire Dieudonné Ngoulmoumako règne sur l'institution et la vie n'est pas toujours rose. Mais Petit Piment peut compter sur son meilleur ami Bonaventure Kololo ainsi que sur Papa Moupelo, le prêtre qui adoucit le quotidien des enfants en leur apprenant danses et chants.

« Nos éclats de rire résonnaient jusqu'à l'extérieur de l'orphelinat quand Papa Moupelo, habité par la transe, imitait maintenant le saut de la grenouille afin de nous démontrer la fameuse danse des Pygmées du Zaïre, son pays d'origine ! ».

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Le temps s'égrène paisiblement jusqu'au jour où la révolution socialiste arrive aux portes de Loango. Dès lors, le vent tourne. Tandis que le local du prêtre congédié est remplacé par le « Local du Mouvement national des pionniers de la Révolution socialiste du Congo », les surveillants, de plus en plus querelleurs, s'acharnent sur les pensionnaires.

Même s'il devient le meilleur élève des « cours de conscientisation », récitant sans trébucher le discours du Président de la République, Petit Piment décide de s'enfuir, « comme ces fugitifs de l’île d'Alcatraz », de cette atmosphère dictatoriale.

« Nous étions trois cent trois pensionnaires, en réalité trois cent trois perroquets avec des connaissances dont nous ne percevions pas dans l'immédiat l’intérêt. »

Commencent alors les aventures du jeune homme, communes à cette jeunesse africaine qui tente d'exister coûte que coûte, quitte à passer la ligne rouge. Petit Piment, qui se rêve en Robin des Bois, s'acoquinera avec les petits bandits du Grand Marché, vivra de larcins et de combines et rencontrera Maman Fiat 500, une généreuse maquerelle et ses dix filles. Le bonheur semblera enfin à sa portée mais pour combien de temps ?

« C'est pendant ces instants de vagabondage que je me retrouvai dans le quartier Trois-Cent, où je fis la connaissance d'une femme qui allait changer mon destin. Pour le meilleure ou pour le pire. Cela dépend de comment on percevrait les choses... »

Commençant sur un ton truculent et finissant par une tonalité plus dramatique, Petit Piment d'Alain Mabanckou est un formidable roman d'apprentissage, qui raconte les tribulations de son personnage éponyme. Alain Mabanckou décrit avec sagacité la débrouille et l'infortune, pauvre rengaine, des enfants abandonnés à eux-mêmes. A l'instar du personnage de Verre Cassé, pilier de bar, qui magnifie par sa verve la vie d'une bande d'éclopés, il fait de Petit Piment, dans cette farce métaphysique, un personnage moins ordinaire qu'il y paraît et extrêmement attachant.

Mais à travers l'histoire de ce Gavroche à l'africaine, c'est aussi l'histoire contemporaine de son pays dans les années 1960-1970 (la vague communiste au lendemain des indépendances) que l'auteur raconte. En observateur lucide, il n'hésite pas non plus à épingler les lignes de faille de la société congolaise en commençant par la pauvreté, la corruption, les politiques autoritaires menées au détriment des individus, la condition des femmes.

Satire sociale, roman d'initiation et fable burlesque, à la langue chamarrée, Petit Piment est un livre à ne manquer sous aucun prétexte !


Chronique Le livre du jour de Philippe Vallet : « Petit Piment » d’Alain Mabanckou

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Avec Petit Piment, Mabanckou renoue avec la fable

Contrairement à son précédent roman, Lumières de Pointe-Noire (2013), largement autobiographique, dans lequel il retournait « au bord du ruisseau des origines », sur les traces de ses parents, Petit Piment tient plutôt du conte et de la fable.

Son titre n'est d'ailleurs pas sans rappeler celui de Verre Cassé (2005) ou de Black Bazar (2009), deux romans à la veine truculente, qui exploraient la faune des bars africains et le Paris métissé.

Petit Piment est un conte délicieux aux dialogues savoureux et inventifs. Et ce n'est pas un hasard si Alain Mabanckou, finaliste du Man Booker Prize International 2015, vient d'être récemment nommé dans la première sélection du Prix Goncourt 2015 pour Petit Piment.

Sarah Gastel

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