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Lura, la nouvelle génération de la saudade festive

"Pour nous, les Capverdiens, ce mélange des genres est possible".

Lura et la musique. Une histoire d’amour qui doit presque tout au hasard.

Heureusement pour nous, une diva du funana et du batuque est apparue des suites de cette union inattendue.

Saudade festive en fer de lance et voix à toute épreuve, le huitième album de Lura, lui, nullement dû au hasard, compile un ensemble de morceaux intenses et vivifiants. Herança, héritage en capverdien, porte en lui une tradition musicale et une histoire millénaire.

Elle ? Elle incarne une nouvelle génération. Intergénérationnelle, universelle. Il n’en fallait pas tant pour susciter notre intérêt. L’interview de Lura était donc de mise.

Africavivre : Votre nouvel album s’appelle héritage. De quel héritage ête-vous porteuse ?

Lura : J’ai appelé cet album Héritage car j’y raconte l’héritage que mes ancêtres m’ont laissée. J’avais envie de ce retour à mes origines pour mieux les transmettre.

Je voulais valoriser le funana, qui est une référence de la culture de Santiago, et le batuque. Ces rythmes étaient interdits pendant la colonisation. Maintenant on peut les jouer.

Je rends aussi hommage aux femmes guerrières. Et je parle de l’esprit capverdien.

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Africavivre : Votre musique est populaire par ses thèmes et ses rythmes. Chaque morceau de votre album raconte en musique l’histoire de votre pays, une histoire populaire et culturelle riche…

Lura : La musique populaire touche tout le monde. Et ma musique est faite pour le peuple mais pas seulement.

Tous les morceaux de mon album, je les ai choisis avec beaucoup d’attention. Le troisième morceau, « Di Undi Kim Bem » (Ndlr : D’où je viens), aurait aussi pu être le nom de l’album. Il parle du fait d’être retournée à mes origines et de là où j’en suis. Cette chanson parle des gens qui sont partis du Cap-Vert et qui n’y sont pas revenus. De ces gens qui pensent revenir. Le premier morceau est un hommage à la ville de mon père. Il parle également du dilemme du Capverdien qui consiste à vouloir rester et à vouloir partir. 

« Mantenha Cudado » est joué avec une guitare flamenco. « Nhu Santiagu » est un duo avec Elida Almeida. Avec elle on partage notre amour pour Santiago. Je chante « Barco di Papel » (Ndlr : Carnet de bord) avec Richard Bona. On y transmet un message de paix et d’amour. C’est une chanson d’amour qui fait danser.

« Goré » parle de l’Ile de Gorée, point de départ des esclaves du Sénégal. « Cidade Velha » (Ndlr : la ville de Ribeira Grande actuelle située sur l'île de Santo Antão) est un hommage à la première capitale du Cap-Vert, là où le commerce des esclaves a démarré. C’est une ville classée au patrimoine mondial. Une ville melting pot.

Africavivre : On dit de votre album qu’il célèbre la saudade festive. Qu’est-ce qu’une saudade festive ?

Lura : Pour nous, les Capverdiens, ce mélange des genres est possible. Il nous arrive d’écouter une belle chanson qui nous rappelle la personne qui nous manque. Bien souvent, on fait la fête pour s’en rappeler et honorer sa mémoire.

Africavivre : Plusieurs grands artistes vous ont accompagnée sur cet album. Qui sont-ils ?

Lura : Mon producteur Toy Viera est mon directeur musical depuis plus de dix ans. Il se dévoue à mon travail. Il y a aussi Hernani Almeida, mon autre producteur. Il est très talentueux. Et, la plus grande étoile de cet album c’est Richard Bona. J’en suis très contente. Nous avons uni nos voix pour donner un message d’amour au monde.

Africavivre : Vous n’étiez pas destinée à l’origine à faire de la musique et pourtant la musique s’est présentée à vous…

Lura : Oui, j’ai rêvé d’être danseuse, plus jeune. Un jour j’ai rencontré un danseur qui m’a invité à chanter. J’étais persuadée de ne pas avoir de voix. Lui pensait le contraire. Après, j’ai été invitée à chanter avec des artistes importants et j’ai fini par dire : « Ok, il semble que j’ai une voix ! »

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Lura - Maria di Lida


ZOOM

Le portrait chinois de Lura

Africavivre : Si vous étiez un(e) auteur(e) africain(e). Qui seriez-vous ?

Lura : Pepetela. Un auteur angolais.

Africavivre : Si vous étiez un(e) réalisateur(trice) africain(e). Qui seriez-vous ?

Lura : Flora Gomes, un réalisateur bissau-guinéen.

Africavivre : Si vous étiez un(e) musicien(ne) / chanteur/teuse africain(e). Qui seriez-vous ?

Lura : Miriam Makeba

Africavivre : Si vous étiez un plat africain. Lequel seriez-vous ?

Lura : la cachupa. (Ndlr : une sorte de ragoût dont les ingrédients de base sont le maïs et les haricots secs. Il peut ensuite se décliner en plusieurs variantes suivant les ingrédients à disposition.)

Propos recueillis par Eva Dréano