Films / cameroun

L'ACCORD, confirmation d'un cinéaste majeur

Inception Arts & Com

D'accord pour dire que c'est un grand film

Après "Innocent(e)", déjà très poignant et réussi, Frank Thierry Léa Malle revient avec un deuxième film tout aussi abouti et percutant ; pas de doute, cette fois : un grand cinéaste est bien né.

Comme dans son premier long-métrage, "Innocent(e)", Frank Thierry Léa Malle aborde une nouvelle fois les thèmes du viol, de la justice, de la politique, et des grandes disparités sociales. Dans L'accord, Flora vient de passer son bac avec succès et incarne un grand espoir pour sa famille qui vit dans des conditions très précaires. Sa rencontre avec Cédric, le fils de l'actuelle maire de Yaoundé, qui habite dans le quartier le plus aisé de la ville à Bastos va tout bouleverser... 


Après "Innocent(e)", on retrouve la même finesse d'écriture, et la capacité à écrire un scénario très dense, riche en enjeux - sociaux, moraux, existentiels -, qui s'attaque à des questions brûlantes, mais en n'y répondant pas forcément, et en sollicitant en cela l'intelligence et la participation des spectateurs. De plus, Thierry Léa Malle, tout en signant une nouvelle fois un film très social et politique, confirme son talent de raconteur d'histoires. Les allers-retours temporels très maîtrisés témoignent ici par exemple de tout son savoir-faire. Ce n'est pas un simple artifice gratuit, mais un choix porteur qui permet à chaque fois d'éclairer l'histoire différemment, et, là aussi, de nourrir la réflexion des spectateurs, que Thierry Léa Malle ne prend définitivement pas pour des idiots.

Pourtant seulement trentenaire encore, le jeune réalisateur et scénariste camerounais n'a rien à envier à un Cristian Mungiu par exemple, auquel on doit des drames également très intenses et complexes, qui nous invitent à beaucoup de questions. L'Accord peut d'ailleurs faire lointainement penser à "Baccalauréat" de Mungiu, qui aborde des thématiques voisines.

Autrement, Léa Malle s'impose aussi une fois de plus de plus comme un directeur d'acteurs hors-pair. On a une nouvelle fois l'impression qu'il arrive à tirer le meilleur de ses interprètes, qui méritent également des compliments nourris pour leur justesse de jeu et leur intensité émotionnelle.

Vanessa Ambassa, révélée par la web-série comique "Monsieur Chantal" se révèle ici très convaincante dans le rôle principal. Thérèse Ngono et Moussa Sindja sont saisissants de vérité dans le rôle de ses parents, et offrent des scènes particulièrement chargées en émotion. Le jeune Jakin Touwole dans le rôle de Cédric et Reine Mpouadina dans celui de sa mère tirent aussi leur épingle du jeu, sans oublier le célèbre Ebenezer Kepombia, marquant même s'il apparaît brièvement, dans le rôle du rival politique de la maire.

On sent que les acteurs se sont beaucoup investis dans leur rôle respectif, et se donnent du mal pour défendre leurs partitions et faire vivre cette histoire. Le degré de leur implication et la qualité de leur interprétation permettent en plus de mesurer à quel point ces différents comédiens - jeunes ou moins jeunes, expérimentés ou débutants - font confiance à Léa Malle, et à quel point ils ont manifestement envie de bien servir ses histoires.

L'accord a légitimement été distingué au festival du film africain de Louxor par le prix de la mention "sociale" du jury, et aussi aux Rencontres cinématographiques de Cotonou en y obtenant le Kama d'or, sans compter son succès retentissant aux LFC Awards, qui récompensent annuellement les meilleurs films camerounais. 


ZOOM

Les LFC Awards

Cette récompense pour les films et les acteurs camerounais existe depuis 2018.

Frank Thierry Léa Malle avait déjà été distingué en 2019 dans la catégorie "meilleur scénario" pour "Hands", et, en 2018, lors de la 1ère édition, son actrice Mbesso Sonita Fabiola avait été distinguée par le prix de la meilleure actrice dans son court-métrage "Mes Vampires".

Ces LFC Awards montrent que Léa Malle est acclamé aussi dans son propre pays en plus de l'être à l'extérieur. Gageons que ces Awards le célébreront encore de nombreuses fois.

Matthias Turcaud