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Akö de Blick Bassy, tous les chemins mènent au blues

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Le chanteur, guitariste et producteur camerounais Blick Bassy sort son 3ème album intitulé Akö.

Parti à la recherche du blues, Blick Bassy nous invite à le suivre sur les traces du légendaire Skip James. 

Son album intimiste et épuré est un hommage à la culture bassa. Hors du temps, il trace un pont entre la Nouvelle-Orléans et le Cameroun.

Interview avec l’artiste dont la musique a changé sa vie.

Africavivre : Akö est un voyage à la rencontre du légendaire bluesman Skip James. Pourquoi ce périple solitaire à la rencontre de ce musicien du siècle dernier ?

Blick Bassy : Les choses se sont faites naturellement. J’habite dans le Nord-Pas-de-Calais et il y a deux, trois ans, je me suis rendu dans mon studio chez moi. Sur le mur, il y a les affiches des gens qui m’ont marqué : Skip James, Charlie Chaplin, ma mère… Mon regard s’est arrêté dessus. 

Comparativement à ce que Skip James a pu vivre, ce qui m’arrive n'est pas grand chose. Je suis plutôt un privilégié et en pensant à ça, j'ai composé un premier titre. Puis, j'ai composé pas mal de titres blues. Pendant cette période, je me suis mis à réécouter ses albums et j’avais l’impression d’entendre une langue de chez moi. Ca m’a renvoyé à ma tendre enfance où il y avait un monsieur qui faisait le tour des villages. C’était la seule distraction alentour. Skip James me rappelait ce monsieur. J’ai alors pensé à faire une musique sur le thème de la transmission entre les anciens et les enfants.

Je n’ai pas fait cet album pour le vendre mais mon attaché de presse l'a un jour écouté et m’a convaincu de le diffuser plus largement.

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Africavivre : Dans un style épuré et intimiste, Akö parle de la culture bassa, de ses traditions et de son évolution. La préservation du patrimoine bantou et de la culture griotique vous importe particulièrement depuis longtemps. Comment cela transparaît dans vos différents projets ?

Blick Bassy : Ce qui me préoccupe, c’est le fait que je viens d’un pays où il y a 260 langues differentes. Les langues nationales sont le français et l’anglais.

Depuis le départ, chanter en bassa, c’est une démarche engagée. C’est une manière de tirer la sonnette d’alarme. Car dans 50 ans, ces langues vont disparaître. On n’a pas de langue nationale qui nous relie et je voulais faire le lien entre les anciens et les jeunes.

Et aussi à travers mes textes, dire aux nouvelles générations, que chez nous en essayant de copier les cultures occidentales, on nie notre identité. Je veux alerter les jeunes sur le mensonge du paraître. Si on a envie de ressembler aux autres faisons-le avec nos cultures et nos traditions fortes. Les jeunes n’ont pas beaucoup de modèle. Je voudrais par exemple essayer de créer un Harry Potter de chez moi, un héros local.

En France, je me suis rendu compte de ma culture d’origine. C’est grâce à cette conscience d'avoir une culture bantoue riche, que je m’en sors. C’est cela qui me donne une force immense.

Africavivre : Y a-t-il un chemin menant de la Nouvelle-Orléans à l'Afrique Centrale ? De quel chemin parle cet album ?

Blick Bassy :  On est toujours à la recherche d’un chemin, de notre carrefour et on est toujours entre deux carrefours. On se demande tous : est-ce que finalement ce métier c’est ce que j’ai envie de faire ? On se demande aussi souvent si on a fait les bons choix.

Le chant de Skip James m’a renvoyé chez moi. Sa musique blues m’a fait comprendre que c’est aussi la musique de mon village. En général, quand on parle de blues on parle de blues d’Afrique de l’ouest, du Mali. Car il y a dans ces musiques des gammes pentatoniques proches de ce qu’on appelle le blues. On pense très peu qu’en Afrique centrale, il y a du blues. 

Skip James, très jeune jouait de la guitare, du piano et chantait. Puis, il s’est mis à travailler dans la construction des routes et des bâtiments. Il avait été déçu de la musique car il avait gagné si peu d'argent avec. Son cheminement me rappelle un peu la conjoncture de la musique actuelle : nous sommes face à un nouveau modèle économique. Il faut maintenant que les artistes soient des auto-entrepreneurs. Désormais tu dois comprendre ce qu’est l’édition, le booking, comment fonctionnent les reseaux sociaux, spotify...

Le rôle de l’artiste a changé et pour cela j’ai créé un blog pour aider les artistes à comprendre comment cela fonctionne (Ndlr wanda-full.com).

Africavivre : Du jazz, de la folk, de la soul, de fusions musicales… De quoi est faite votre musique ?

Blick Bassy : Ma musique je l’appelle FAB. C’est l’acronyme de folk afro-blues. On trouve dedans du jazz mais finalement ça englobe beaucoup de musiques, dont des musiques traditionnelles.

Blick Bassy - One Love (Studio Session)


ZOOM

Le portrait chinois de Blick Bassy

Africavivre : Si vous étiez un(e) auteur(e) africain(e). Qui seriez-vous ?

Blick Bassy : Cheick Anta Diop. Parce que je trouve qu’il était avant-gardiste. C’était un penseur, un visionnaire.

Africavivre : Si vous étiez un(e) réalisateur/trice africain(e). Qui seriez-vous ?

Blick Bassy : Jean-Pierre Bekolo peut-être. Je trouve qu’il a une démarche artistique, que c’est quelqu’un de libre. Je pense qu’un artiste c’est ça. J’aime surprendre.

Africavivre : Si vous étiez un(e) musicien(ne) / chanteur/teuse africain(e). Qui seriez-vous ?

Blick Bassy : Jean Mikoko Aladin c’est le créateur de la musique l’assiko. Il est le Pape de l’assiko. C’était un autodidacte. Sa façon de jouer de la guitare, c’était dément.

Africavivre : Si vous étiez un plat africain. Lequel seriez-vous ?

Blick Bassy : Mbongo tchobi, un plat de chez moi. Il est fait d’une écorce qui devient noire. Le tchobi c’est du poisson. c’est une sauce de poisson très noire.

Propos recueillis par Eva Dréano