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Films / Burkina Faso

LE BONNET DE MODIBO, ode vibrante aux valeurs des ancêtres

Les Films du Dromadaire / Les Films d'Avalon Populaire au bon sens du terme

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Après une sortie au cinéma perturbée par les mesures liées au Covid-19, il est possible de découvrir Le Bonnet de Modibo sur Canal + ou en streaming sur le site de TV5 Monde. 

Cette comédie douce-amère attachante et réussie conduit aussi à s'interroger sur la persistance des valeurs incarnées par les villages africains.

Souvent boudé en festivals, Boubakar Diallo continue pourtant à creuser le sillon d'une filmographie aussi plaisante que cohérente, en lien avec les réalités locales. Ses films n'ont pas pour vocation d'être montrés à Cannes, Venise, Berlin ou Toronto, mais bien dans les salles de cinéma de Ouagadougou ou de Bobo-Dioulasso. Malgré leur aspect "populaire" qui lui vaut le dénigrement opiniâtre d'une partie de la presse et de la profession, ils abordent aussi de nombreux sujets profonds, avec intelligence et finesse.

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Ici, une fois de plus, pour Le Bonnet de Modibo, l'agrément que peut provoquer une intrigue pleine de rebondissements, d'humour et de suspense s'allie à une réflexion ambitieuse autour de la transmission, des valeurs, et du fossé pouvant séparer la tradition de la modernité.

Modibo, retraité de la fonction publique et réputé pour son infaillible intégrité, doit choisir entre devenir conseiller à Addis-Abeba et briguer le poste de chef de son village, ce qui lui permettrait aussi de se réconcilier avec son fils, avec qui il a plusieurs différends. Il faut ajouter aussi que le village de son père est menacé, puisque le potentiel rival de Modibo verserait sans hésiter dans la corruption et les détournements de fonds.

Le scénario se fait l'écho des différences de mentalité entre ville et village, et rend aussi compte des tensions ou malentendus pouvant exister au village entre autorité des anciens et autorité préfectorale.

Le film raconte bien cette histoire à la fois simple et intéressante, joliment mise en images par Tibiri Koura, et interprétée par un ensemble d'acteurs très convaincants, au premier rang desquels Idelvert Méda, comédien de théâtre et de cinéma très aimé au Burkina Faso, notamment connu pour sa participation aux fameuses séries "Kadi Jolie" et "Trois hommes, un village". La pétulante Warda Djamila Barry, le sanguin O' Gus Kustu ou le croustillant Saturnin Milla complètent enfin idéalement le casting.

Entre émotion, humour, chronique sociétale et moments de tension, le film trouve un bon rythme et un équilibre. Boubakar Diallo confirme son aptitude de dialoguiste par des dialogues qui sonnent très justes, et ne prennent pas trop de place, les silences et les regards les complétant par exemple opportunément. On sait autrement gré au Bonnet de Modibo d'éviter un certain nombre d'écueils et de clichés, et de cultiver une certaine originalité.

Raconteur d'histoire aguerri, Boubakar Diallo sait habilement jongler entre les genres, et se concentre avant tout sur sa trame narrative, ses personnages et les messages qu'il aimerait faire passer, son cinéma ambitionnant de sensibiliser autant que de divertir, sans que cela doive être dédaigné. On peut au contraire admirer la démarche d'un scénariste, réalisateur et producteur, très synchrone avec les réalités locales. Cela dit, son cinéma, bien que très ancré locament, relève tout antant de l'universel.

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Boubakar Diallo, du journalisme au cinéma

boubakar-diallo-realisateurAprès l'obtention de son baccalauréat, Boubakar Diallo veut devenir journaliste, et fonde ainsi le journal satirique hebdomadaire "Le Journal du jeudi". On lui doit aussi plusieurs contes et romans policiers. Diallo bifurque cependant rapidement vers le cinéma, se rendant compte qu'au Burkina, "les gens ne lisent pas beaucoup" et que "parmi le peu de gens qui lisent, il y en a encore moins qui achètent des livres."

Fort de ce constat, il envoie des scénarios à des professionnels, mais leurs visions ne coïncident pas, conduisant Boubakar Diallo à réaliser puis à produire lui-même, via sa société de production Les Films du Dromadaire, créée en 2004.

Depuis 2003, il enchaîne les tournages de films et de séries à succès, tous en numérique, et touchant à plusieurs genres, tout en abordant des thèmes sociétaux importants en rapport avec les réalités du Burkina Faso. "Congé de Mariage" (2013) ou "Julie et Roméo" (2011) ont notamment pu susciter un bel engouement. En plus de ces comédies très plébiscitées, il a aussi réalisé, entre beaucoup d'autres, "Traque à Ouaga" (2004), "L'Or des Younga" (2006) ou, pour la télévision, "Série noire à Koulbi" (2006).

Matthias Turcaud

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