Films / burkina-faso

Hommage à MISSA HÉBIÉ, l'as de la série burkinabée

Pensée pour le réalisateur, qui nous lègue notamment la belle série "L'As du lycée"

Après avoir travaillé comme enseignant, Missa Hébié s'est ensuite tourné vers les caméras.

Assistant-réalisateur de Pierre Yaméogo sur "Wendemi", Missa Hébié a très vite volé de ses propres ailes, jonglant avec les genres et les formats, en faisant preuve d'une capacité remarquable d'adaptation comme de renouvellement. Le réalisateur d'envergure Gaston Kaboré, lauréat de l'Etalon de Yennenga au Fespaco en 1997 pour "Buud Yam", souligne la perte d'un "abatteur de travail", "qui manquera pendant longtemps au cinéma burkinabé".

 

Dans sa filmographie aussi riche que diversifiée, des documentaires comme "La Mémoire et le verbe" (1993) ou "Autour d'un plat de To" (1996) alternent ainsi avec des courts ou moyens-métrages tels que ses "Contes & Légendes du Burkina" (1995), ou des fictions pour la télévision à l'image d' "Un amour de casque" (1990) ; des captations de pièces de théâtre, ou encore des longs-métrages ambitieux dans un contexte de production peu évident, et un manque criant de moyens financiers et de soutiens.

Son premier long-métrage, "Le Fauteuil", brûlot politique osé et féministe, reçoit le Prix Oumarou-Ganda au Fespaco en 2009, critique avec justesse et audace les dérives du pouvoir, et impose en même temps un très beau personnage de femme. "En attendant le vote", en 2011, adapte le roman du grand écrivain ivoirien Ahmadou Kourouma, "En attendant les bêtes sauvages" ; et vont suivre aussi, en 2015, "Cellule 512" et, en 2017, "La Raison du plus fort".

C'est cependant surtout à travers ses séries que Missa Hébié a pu emporter l'adhésion d'un public très élargi, ainsi qu'en atteste le succès rencontré par "Commissariat de Tampuy" (2006) ou "L'As du lycée" (2009). Il aura pris définitivement goût au format sériel - dont il affiche une belle maîtrise -, en réalisant encore "Stop corruption" en 2016 ; et son décès survenant alors qu'il était en plein tournage de "L'Ami fidèle".

Dans ses longs-métrages comme ses séries - avec plus de légèreté en général dans ces dernières -, Missa Hébié n'aura en tout cas eu de cesse de lutter contre les maux minant la société burkinabée, tels la corruption, les différences de traitement entre écoles publiques et écoles privées, les conditions de vie indignes de beaucoup d'employés astreints à des sous-métiers humiliants, etc - le tout en n'oubliant pas de raconter des histoires, et en faisant vivre des personnages forts, via un sens de l'écriture à souligner.

Aussi bien scénariste et producteur que réalisateur, il a donc bel et bien marqué de son empreinte le cinéma burkinabé ; et il est vraiment à regretter que son décès soit intervenu avant le cinquantième anniversaire du Fespaco - à l'instar de son compatriote Idrissa Ouedraogo.

ZOOM

"L'As du lycée", série tendre et réussie

Dans cette série fortement plébiscitée par le public comme par la critique et les festivals, Missa Hébié nous fait suivre les aventures d'Ismaël, fils de gardien et de la fille de la patronne de son père, Fanny.

Celle-ci va insister auprès de son père pour qu'Ismaël, élève précoce et brillant, fréquente le même établissement qu'elle, une école privée uniquement fréquentée par des enfants de ministres ou de parents privilégiés qui les font évacuer en France dès qu'ils sont malades.

Ismaël y sera confronté à de nombreuses moqueries et injustices, mais pourra compter sur le soutien de sa fidèle amie.

Dotée de personnages attachants, comme d'une écriture maîtrisée, "L'As du lycée" permet de dénoncer plusieurs dysfonctionnements de la société burkinabée, sous une forme agréable et très accessible. On en redemande !

Matthias Turcaud