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SIMON PANAY, "la quête de l'or est une chimère"

JHR Films

Sensibiliser le grand public

Nous avions beaucoup aimé le premier long-métrage de Simon Panay, "Si tu es homme". Nous avons eu l'occasion d'échanger avec le réalisateur autour de son parcours, du tournage de son film et des messages qu'il a voulu transmettre. Rencontre. 

Comment avez-vous découvert le cinéma, et comment avez-vous commencé à faire des films ?

Simon Panay : J'ai commencé à faire des films indépendants tout juste après mon bac, essentiellement des courts-métrage documentaires au Burkina Faso.

Comment vous êtes-vous intéressé aux mines ?

Simon Panay : En 2015, j'ai découvert le monde des mines d'or artisanales en tournant mon documentaire « Ici, personne ne meurt » dans la mine d'or clandestine de Perma au Nord-Bénin. C'est un milieu à la fois terrifiant et fascinant, où la réalité, la légende et la mythologie se fondent.


Pourquoi vous êtes-vous focalisé sur un enfant dans un film intitulé « Si tu es un homme » ?

Simon Panay : J'avais été frappé par le travail des enfants dans les galeries souterraines en tournant « Ici, personne ne meurt ». Je voulais approfondir ce sujet, qui est un enjeu majeur pour l'humanité. 322 millions d'enfants sont économiquement actifs dans le monde. Parmi eux, 80 millions travaillent dans des conditions dangereuses et mettent leur vie en danger chaque jour. Pour moi, le moyen de parler de ces 80 millions d'enfants est de raconter l'histoire d'un seul d'entre eux en le suivant suffisamment longtemps pour que l'on puisse s'identifier à lui.

Pouvez-vous nous parler du garçon qu'est Opio ? Qu'est-il devenu aujourd'hui, après le film ?

Simon Panay : J'ai rencontré Opio en faisant un projet de collection photo, qui m'a fait découvrir une trentaine de mines partout au Burkina Faso. C'est un garçon particulier, et le filmer pendant ces deux années aura été pour moi une véritable leçon de courage. Maintenant que le film est terminé, nous mettons en place un certain nombre d'éléments pour pouvoir l'aider sur le long terme, avec l'appui d'associations locales.

Les galeries souterraines sont dangereuses. Comment s'est passée la réalisation de ce documentaire ?

Simon Panay : Les galeries souterraines sont extrêmement dangereuses. Il y a bien sûr un risque permanent d'effondrement, mais aussi de chute. Il faut se déplacer en faisant très attention. Filmer dans ces conditions est difficile.

Pourquoi vous êtes-vous abstenu de tout commentaire et avoir fait le choix du silence ?

Simon Panay : En faisant ce film, je préfère rester à ma place d'observateur. Je m'exprime bien sûr par le langage du cinéma, par mes choix artistiques, par le montage, mais pas par l'usage d'une voix-off. C'est un film focalisé sur Opio et c'est avant tout un film de cinéma.

Pourquoi avez-vous choisi le Burkina Faso comme terre de tournage ? 

Simon Panay : C'est un pays que j'aime profondément. J'y ai vécu une bonne partie de ma vie d'adulte et j'espère pouvoir continuer à faire des films là-bas, bien que la situation sécuritaire compromette aujourd'hui bon nombre de mes projets sur place.


Quel sentiment avez-vous eu après la réalisation du film « Si tu es un homme », et quelles ont été ou sont vos espoirs quant à ses effets ?

Simon Panay : Quand on fait ce type de film, on a forcément espoir de faire évoluer les choses dans le bon sens, de sensibiliser le grand public à une cause. On s'est entouré d'organisations qui militent pour les droits de l'enfance comme l'UNICEF. Le cinéma est un outil particulièrement puissant pour mettre en avant certaines causes.

Pourriez-vous envisager de réaliser des documentaires semblables dans d'autres parties de l'Afrique, notamment à l'est de la RDC où sévissent la guerre et la souffrance des populations, particulièrement les plus jeunes ?

Simon Panay : Il y a tant et tant de pays qui connaissent des situations semblables, la RDC vit dans l'horreur depuis tant de décennies, mais à travers l'histoire d'Opio, c'est tous les enfants du monde exploités et privés d'éducation qui sont représentés. Je travaille depuis douze ans à mettre en lumière les injustices, cela pourrait bien sûr m'amener à filmer dans d'autres pays si des sujets venaient à moi.

Comment votre film documentaire a-t-il été reçu en Afrique et en Europe ?

Simon Panay : Le film a été très bien reçu, en particulier par la presse. Il y a un engouement et un élan que l'on perçoit autour du film. Des associations, des militants s'emparent du film pour mettre en lumière diverses causes portées par le film.

Quelles sont les perspectives d'avenir que vous avez actuellement ? A quoi peut-on s'attendre prochainement ?

Simon Panay : Pour ma part, je travaille actuellement sur des projets de films de fiction en Afrique de l'Ouest. Un court-métrage et deux long-métrages, que j'espère tourner prochainement.

Remerciements chaleureux à l'attachée de presse Léa Guez de Ciné Sud, qui a rendu cette interview possible.

ZOOM

Eloge de la jeunesse burkinabè

Simon Panay :La jeunesse burkinabè est admirable de courage et de détermination.

Elle se prend en main et garde la tête haute, malgré la situation dramatique qui dure depuis maintenant près de dix ans. Je crois que les prochaines années vont être très difficiles, en particulier parce qu'un très grand nombre de régions sont privées d'éducation depuis la montée du djihadisme.

C'est aujourd'hui un pays en guerre, qui doit lutter pour recouvrer son intégrité territoriale, mais c'est un pays qui saura faire preuve de résilience, j'en suis persuadé.

Ben Kalamo