La tumultueuse vie d'un déflaté de Camille Plagnet
![]() ![]() La tumultueuse vie d'un déflaté de Camille Plagnet Ardèche Images Production Portrait drôle et sensible d’un esthète lettré accablé par le chômage.
Le Dandy, écrivain et mendiant Ce pourrait être le portrait de milliers de gens en Afrique : celui d’un homme, ayant trouvé un temps une situation confortable et qui une fois licencié, n’a jamais pu trouver ailleurs une telle autre opportunité d’emploi. Sauf que cet homme-là a quelque chose de spécial : il est révolté et l’écrit. À défaut de ne plus pouvoir conduire la locomotive Abidjan-Ouagadougou, suite à la privatisation de la compagnie en 1995, celui qui se fait appeler le « grand Z » passe une grande partie de ses journées à composer des poèmes et des pièces de théâtre sur sa propre situation de « déflaté », de victime de la déflation. Le reste de la journée, il « kokote », il fait le tour des bureaux tenus par ses anciens collègues pour leur demander un petit complément à sa maigre retraite (700 francs CFA par jour, soit 1 euro environ). Ironie de l’histoire, il se voit même obligé de mendier pour obtenir le stylo et les bouts de papier qui lui serviront à écrire ses textes. Ce documentaire fait alterner le portrait de Saïdou Z Ouedraogo et le monologue d’un personnage, Mogba, issu d’une de ses pièces. Il repose essentiellement sur la forte personnalité de cet écrivain fragile (au point de ne jamais sortir de chez lui pour ne pas risquer de s’enrhumer), et esseulé (depuis que sa femme l’a abandonné à la suite de son licenciement). Un ennemi dans le collimateur : la Banque Mondiale. Saïdou Ouedraogo justifie sa situation, qu’il ressent comme une honteuse fatalité, par les politiques de rigueur imposées par la Banque Mondiale aux Etats africains dans les années 1980-1990. Dans ses pièces, elle apparaît comme un ennemi intouchable, mais responsable concrètement d’avoir sacrifié des milliers de vies suite à ses politiques d’austérité. C’est en effet suite à ses recommandations que la compagnie nationale de chemin de fer binationale burkinabaise et ivoirienne fut privatisée par le groupe Sitarail, filiale du groupe Bolloré. Cette privatisation imposée s’est faite au détriment de centaines d’employés qui n’ont pas fait l’objet de plan de reconversion. Pourtant, la Banque Mondiale s’est félicitée des résultats obtenus suite à cette privatisation. C’est la critique que fait l’ancien économiste en chef de la Banque mondiale Joseph Stieglitz dans son ouvrage La Grande désillusion : les « thérapies de choc » appliquées par les institutions de Bretton Woods se font souvent au détriment des populations elles-mêmes. |
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Romain Dostes | ||
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