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CADAAY, centre d'apprentissage et de développement en art et artisanat de Yako au Burkina Faso

A Yako, village d'origine de Thomas Sankara, un centre culturel se dédie à la formation et à la valorisation des métiers artisanaux.

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Rencontre avec Hamidou Rabdo, directeur général du Centre d’Apprentissage et de Développement en Art et Artisanat de Yako (Cadaay). 

 

Pourriez-vous nous présenter le CADAAY ?

Hamidou Rabdo : Le Centre d’Apprentissage et de Développement en Art et Artisanat de Yako est une entreprise sociale créée en 2007 par l’association Nug Tuuma, que je préside, et soutenue par l’association française « Aide et développement sans frontière » depuis le début et par l’association suisse « Petit Samba » depuis 2013.

Elle a pour but de promouvoir les métiers artistiques et de permettre aux jeunes de se former. Le centre est installé sur un terrain de 5000 m² aux environs de Yako.

Les activités principales du centre sont la formation des jeunes déscolarisés et non-scolarisés aux métiers artistiques et artisanaux tels que la menuiserie et la sculpture sur bois, la construction métallique, le modelage bronze et aluminium, les arts graphiques (la peinture, le batik, la calligraphie, la sérigraphie et le dessin artistique) et la filière textile (tissage et couture).

À cela s’ajoutent les arts de la scène grâce à un podium de plus de 100 m², une salle d’exposition-vente, ainsi que tout un volet accueil composé de 6 chambres équipées de deux lits chacune, d’un bar et d’un restaurant. L’électricité est assurée par des panneaux solaires d’une puissance totale de 5 kW et l’eau vient d’un forage de grande profondeur également alimenté par une pompe solaire.

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Comment l’idée de ce centre vous est-elle venue ?

Hamidou Rabdo : Etant artiste, l’art est mon gagne-pain. Je me suis rendu compte qu’il n’y avait pas de structure pour accompagner et former les artistes dans la région. Moi-même je viens d’un milieu simple, mes parents étant agriculteurs au village. Au départ, il n’y avait que mon atelier. Voulant partager mes acquis, j’ai donc décidé de créer ce centre, qui donnerait une plateforme aux artistes et faciliterait l’insertion professionnelle des jeunes.

J’ai créé l’association « Nug Tuuma » avec des amis et nous avons ensuite eu la chance de rencontrer les membres d’une association française « Aide et développement sans frontière » puis d’une association suisse « Petit Samba », qui ont permis au centre de devenir ce qu’il est aujourd’hui.

Le bois est-il plus difficile à travailler que le bronze ?

Hamidou Rabdo : Ca dépend de ce qu’on veut faire. En général le bronze est plus difficile à travailler que le bois. Si vous trouvez un bon morceau de bois, qu’il soit sec ou humide, vous pouvez rapidement obtenir ce que vous souhaitez.

À l’inverse, le bronze est un travail de fourmis. Il faut sculpter la cire, faire le moule en terre, faire fondre la cire, fondre le bronze et le couler dans le moule, laisser refroidir, puis casser le moule et faire les finitions. C’est tout un processus qui n’existe pas dans le bois. On sculpte et puis c’est tout.

Quelles qualités sont requises pour fabriquer une sculpture en bois ou en bronze ?

Hamidou Rabdo : Il faut être artiste et inspiré. Ensuite, l’apprentissage permet de maitriser les techniques. Sur le plan humain, il faut faire preuve de patience, de courtoisie, avoir de l’imagination et se laisser emporter par ce qu’on est en train de faire. Il n’est pas nécessaire d’imposer sa vision ou de trop intellectualiser.

Par exemple l’ébène, il vous dicte dès le début ce qu’il veut devenir, vous ne pouvez rien lui imposer, il faut l’écouter et l’œuvre apparaît d’elle-même. Le bronze est moins capricieux. La cire se laisse modeler selon vos désirs et vous pouvez réaliser ce que vous voulez.

Laissez-vous une grande marge de manœuvre à vos apprentis ou leurs donnez-vous des consignes très précises ?

Hamidou Rabdo : Dans un premier temps, nous sommes obligés de les encadrer de très près, pour qu’ils apprennent les techniques de base des différents ateliers. Après environ deux ans, nous nous efforçons de libérer leur « génie créateur » à travers des cours d’éveil artistique. Le but étant qu’ils deviennent de véritables artistes capables d’exprimer leur créativité à travers leurs œuvres.

Dans votre restaurant vous proposez des spécialités burkinabés ?

Hamidou Rabdo : Notre restauration propose des spécialités africaines tel que le poulet dans toutes ses facettes (grillé, flambé, braisé), le to avec différentes sauces (gluante, gombo, arachide, oseille), les allocos (bananes plantains), les plats de riz (riz sauce, riz gras, riz soumbala) et des desserts (glace, le yahourt traditionnel dégué), mais aussi des spécialités européennes sur commande (croissants, pizzas, frites, etc.). Nous nous adaptons aux besoins du client.

Les chambres sont construites en voûtes. Pouvez-vous nous parler de cette architecture ?

Hamidou Rabdo : Nous nous sommes inspirés de la technique voûte nubienne, maison en terre crue couverte par une voûte, diffusée par l’association la Voûte Nubienne, qui possède une antenne à Yako. Nous avons confié la conception à un architecte burkinabè travaillant la pierre. Les maisons en voûtes sont construites en briques de latérite taillées avec une ossature béton-armé et couvertes par une fine dalle en béton-armé.

Selon vous, qu’est-ce que l’art peut apporter ?

Hamidou Rabdo : L’art apporte beaucoup de choses. En premier lieu, la liberté dans le travail et l’accomplissement artistique qui peut durer tout une vie. Sur le plan des mentalités, l’artiste est forcément ouvert d’esprit et le travail en groupe renforce les liens sociaux. En deuxième lieu, l’art et l’artisanat permettent de gagner sa vie. L’art est avant tout un métier et l’artisanat permet d’ancrer celui-ci dans la réalité tout en embellissant le quotidien de tout un chacun.

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Un centre ouvert à des manifestations culturelles et des concerts

Votre centre est également ouvert à des manifestations culturelles et des concerts. Pouvez-vous nous citer quelques évènements récents qui s’y sont déroulés ?

Hamidou Rabdo : Cette année, nous avons eu trois évènements, la « nuit du couple » en février, un concert de musique traditionnelle en mars et le « forum culturel populaire » en juin.

En parallèle, deux troupes répètent dans notre centre : la compagnie théâtrale Nug Tuuma et les Hirondelles du Passoré (percussions et danse).

Nous souhaitons intensifier ce genre d’activités, pour faire connaitre le centre dans la région et proposer des divertissements culturels à la population environnante.

Sébastien Turcaud

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