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Documentaires / Bénin

Sans ordonnance de Evelyne Agli

Collection Docs Afrique(s) De la débrouillardise au trafic de médicaments en Afrique.

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En 2009, il y avait urgence. Sur une initiative lancée par la Fondation Chirac réunissant les Présidents Boni Yayi du Bénin, et Blaise Compaoré du Burkina Faso, la conférence du 12 octobre 2009, mettait la lutte contre le trafic des faux médicaments en Afrique de l’ouest en ligne de mire.

Après cette mobilisation fastueuse retransmise sur plusieurs chaînes à travers toute l’Afrique, quel est l’état des lieux de ce fléau ?

Le géant Nigéria apparaît comme la plaque tournante de ce trafic. Fabriqués sur place, importés, ou périmés, le commerce des faux médicaments y est légion.

Evelyne Agli a choisi le Bénin pour tourner son documentaire Sans ordonnance. Elle a voulu montrer comment ce commerce illicite s’est propagé dans ce pays et apparaît comme un gagne-pain non négligeable pour des petits vendeurs. Ils sont trois. Ramatou, Rachidate et Gérard, vendeurs ingénieux de médicaments béninois, sont mis en lumière dans ce documentaire avec chacun une histoire touchante à partager sur leur propre vie.


Sans-ordonnance

 

Gérard, avec sa machine de contrôle de santé, demande 500 Francs CFA pour un diagnostic avec médicaments à la clé. Il se fait une belle clientèle. Du diabète aux problèmes rénaux, il vous dit tout sur votre état de santé. On se rendra compte très vite qu’il préconise le même médicament à tous ses clients qui semblent souffrir de maux identiques. « Je ne sais pas ce qu’on appelle faux médicaments et vrais médicaments ».

Ramatou, elle se débrouille en préparant une tisane à base de citron, d’écorce d’ananas et feuille de quinine qui purifie le corps, guérit la fièvre, lutte contre le paludisme. C'est au bord de la route que matin et soir elle vend sa tisane ainsi que de nombreux médicaments. Son petit stand ne désemplit pas. « Nous croyons les revendeurs quand ils nous disent que les médicaments proviennent de pharmacie ».

Rachidate, qui a commencé le commerce du médicament très tôt en suivant les traces de sa mère tient un petit magasin dans lequel s’entassent médicaments en tout genre. Elle reconnaît volontiers que le gouvernement est contre ce type de commerce. Qu'à cela ne tienne, il devient une nécessité pour elle qui souhaite s’en sortir et a une famille à nourrir. « Je demande à mon fils de lire les dates de péremption des médicaments ».

C’est là tout le paradoxe de ce phénomène qui touche les sociétés africaines. Les revendeurs connaissent les dangers de leurs produits mais continuent de les vendre. Ne sachant pas lire, elle nous assure qu’elle demande à son fils de lire les dates de péremption des médicaments. C’est évidemment au Nigéria qu’elle se fournit.

Evelyne Agli a touché du doigt l’un des maux qui contribue à noyer l’Afrique. Voilà comment nombre de Béninois comme c’est le cas de ces trois vendeurs, s’improvisent médecin en conseillant à leurs clients des comprimés à prendre. Ils vont même jusqu’à citer les effets contre-indicatifs sans vraiment savoir ni ce qu’ils contiennent ni d’où ils viennent réellement finalement.

Localement, ce commerce est largement soutenu par une pléiade de pharmacies chinoises. On retrouve d’ailleurs sur de nombreuses boîtes de médicaments des indications écrites en chinois.

Comment condamner ces petits vendeurs débrouillards qui ne voient pas le danger ? Ils se disent nécessaires au bien-être de leurs clients qui n’hésitent pas à les solliciter même chez eux. Ils sont attachés à leur clientèle et tous aspirent à une vie meilleure. Rempli de rêves et d’espoir pour leur enfant, ils espèrent que ces derniers ne connaîtront pas leurs difficultés.

Seulement, il est de l’information publique de savoir que les médicaments ne sont pas des biens consommables comme les autres. Ils demandent une intense vigilance quant à leur consommation et font l’objet d’une règlementation très stricte. Sachant cela, il est difficile de cautionner ce commerce donc Gérard, Ramatou et Rachidate sont incontestablement sanctionnables.

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La fondation Chirac mobilise contre les faux médicaments

Zoom

Face à ce fléau, des mesures voient le jour.

Outre les actions menées par le Cameroun, le Nigéria et la Chine, fabricant mondial de médicaments génériques, en juillet 2012, une importante opération de ratissage de 16 ports maritimes des côtes est et ouest de l’Afrique a permis à l’Organisation mondiale des douanes (OMD) de saisir plus de 82 millions de doses de médicaments illicites, d’un montant total de plus de 40 millions de dollars, dont du sirop antitussif, des antiparasitaires et des antipaludiques, ainsi que des antibiotiques et des contraceptifs.

Par ailleurs, l’Organisation Mondiale de la Santé aide les pays à acquérir les compétences nécessaires pour réglementer les médicaments. L’homologation pharmaceutique, ou autorisation de mise sur le marché ou avis de conformité du produit, ne doit être accordée qu’après une évaluation approfondie de l’innocuité d’un médicament.

Sans oublier, le nouveau système par SMS gratuits permettant de vérifier l’authenticité des médicaments. Grâce à de nouvelles entreprises, mPedigree Network et Sproxil, les fabricants pharmaceutiques homologués peuvent faire figurer sur leurs emballages un code crypté. Les consommateurs n’ont qu’à gratter l’étiquette de l’emballage et envoyer gratuitement le code par SMS à la société qui gère le système. La réponse, envoyée instantanément, informe le consommateur de l’authenticité du médicament.

Des pays comme le Ghana, le Nigéria et le Kenya ont intégré à leur réglementation le système de vérification par téléphonie mobile. Ce système est aussi adopté en Asie.
Source www.un.org

Pour aller plus loin, voici quelques associations qui luttent contre la contrefaçon de médicaments (liste non exhaustive) :
- IRACM (Institut International de Recherche Anti Contrefaçon de Médicament) http://www.iracm.com/
- ReMeD (Réseau médicament et dévelopement) http://www.remed.org/
- IFRI (Institut Français des Relations Internationales) http://www.ifri.org/

Diane N.

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