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BONGA en tête d'affiche à Africajarc

Machine à tubes angolaise, Bonga le Kota (le sage), nous rend visite en France cet été à l’occasion de très rares dates.

Bonga chantera samedi 20 juillet prochain sur la grande scène du festival Africajarc. Ne manquez pas sa venue exceptionnelle dans ce cadre idyllique, à la fraîche, au bord du Lot, dans le charmant village de Cajarc !

Il a peut-être 76 ans mais a sans nul doute la vivacité, la créativité débordante et l’assurance de la jeunesse.

Et s’il était besoin de se convaincre de ses attributs, sa longue carrière s’en charge : plus de 30 albums à son actif, des centaines de morceaux et de concerts live donnés pendant quelques 40 ans partout à travers le monde.

Ce militant-chanteur a réussi et réussit encore aujourd’hui l’exploit de maintenir son public en haleine et de parler autant à des Européens qu’à des Angolais, toutes générations confondues. C’est dire que sa voix rocailleuse sans pareille, son humanisme chevronné, son art de s’approprier les folklores de tous les pays, du sien en premier lieu, son engagement contre toute forme de népotisme ont matière à séduire un public nombreux, bien avant même que le terme de musique du monde ne pointe le bout de son nez.


José Adelino Barceló de Carvalho de son nom de naissance, exilé en Europe depuis plus de cinquante ans, réside ainsi quelques temps à Lisbonne où il se fait remarquer d’abord en pulvérisant le record portugais du 400 m en athlétisme. Puis Bonga est contraint de quitter le pays car la police secrète portugaise (la PIDE) le recherche. « Son engagement socio-politique » comme il le nomme lui-même, n’est nullement apprécié au Portugal, où bien vite le rapprochement est fait entre le chanteur engagé Bonga Kuenda et José Adelino Barceló de Carvalho. Il trouve alors refuge au Pays-Bas et s’acoquine avec la communauté artistique cap-verdienne.

Il crée les albums Angola 72 et Angola 74. Sans trop y croire. Plutôt comme un cri du cœur nécessaire que comme une ambition carriériste de percer dans la musique. Car Bonga Kuenda de son nom de scène (Celui qui se lève et qui marche), ne croit à cette époque-là absolument pas en sa voix. La faute à une sœur, religieuse la donzelle, qui, lorsqu’il est enfant, l’exclut de la chorale du quartier, car sa voix éraillée ne correspond apparemment pas au standard divin.


S’ensuit le succès faramineux qu’on lui connait. Il habite plusieurs villes d’Europe, puis en 1975, après l’indépendance de l’Angola, il s’installe à Paris. Aujourd’hui, il est revenu vivre dans ses pénates lisboètes.

Un messager humaniste qui s’adresse à l’univers

Bonga est cet homme à la démarche assurée, au parlé direct cerclé d’un sourire fripon et joufflu. Vous le verrez le plus souvent porter une chemise bariolée en batik, et sur scène s’accompagner de son dizanka, un long morceau de bambou frotté par une baguette de bois, symbole de l’anti-colonialisme en Angola.

Son inspiration, il la trouve dans son Angola natale à la situation socio-économique encore aujourd’hui préoccupante. Dans ses chansons, il parle de l’identité angolaise et s’insurge depuis plusieurs décennies contre la situation politique sur fond de rythmes traditionnels (semba, kazutuka du carnaval de Luanda, rebita, fununa,…)

D’abord contre 41 ans de dictature prenant fin en 1975. Puis, contre une soi-disant démocratie, que d’aucun appelle ploutocratie, dirigée d’une main de fer, celle de José Eduardo dos Santos. Et contre un gouvernement encore aujourd’hui profondément inégalitaire, où seule une minorité d’oligarques jouit des droits fondamentaux tandis qu’une majorité silencieuse n’accède pas aux nombreuses richesses dont recèle la terre angolaise.


Bonga sait où il va, n’aime pas se répéter et sa musique, il la pense et la conçoit seul. Il choisit les instrumentations et s’autoproduit. Lorsqu’il crée un nouvel album, comme c’est le cas actuellement, il a conscience de chanter pour un public du monde entier. Il s’adresse à « l’univers » comme il le précise lui-même, pas par prétention mais parce qu’il le conçoit ainsi, au sens propre : son message est universel.

Car il sait comment parler de sujets profonds qui touchent chacun d’entre nous, la nature humaine, il l’a bien étudiée en en parlant. C’est d’ailleurs une autre de ses activités favorites, qu’il pratique le plus souvent attablé avec des amis autour d’un bon plat en sauce angolais cuisiné par ses soins. Il discute ainsi de l’essentiel, à savoir : Que devient chacun ? Comment chacun fait pour se battre pour ce en quoi il croit et construire sa propre vie ?

ZOOM

Portrait chinois de Bonga

Quels sont les ingrédients indispensables pour concocter un bel album, selon vous ?

Bonga : Avoir une grande connaissance de la culture socio-musicale et de l’identité angolaise. Puisez en soi sa propre inspiration. Je ne suis pas du genre à écouter à droite et à gauche ce qu’on me dit. Cela fait bientôt 46 ans que je crée. Mon vécu est un exemple pour la jeunesse d’aujourd’hui !

Quelle est, pour vous, la journée parfaite ?

Bonga : Un jour où de bonnes nouvelles sont annoncées à la télévision. Où l’on apprend que la guerre est finie, que les émeutes s’arrêtent. Il faut suivre de près l’actualité. J’aime bien être informé.

Quel serait votre plus grand malheur ?

Bonga : Découvrir que les puissances mondiales nous cachent quelque chose : l’existence d’une vie extraterrestre, des conséquences inconnues du dérèglement climatique,…

Qu’est-ce qui vous inspire quotidiennement ?

Bonga : La musique m’inspire. Les grandes voix m’inspirent. Ray Charles, Aretha Franklin, Franco de RDC, Mercedes Sosa d’Argentine, Miriam Makeba. J’écoute tous les jours Aretha Franklin et Ray Charles.

Tous les folklores du monde entier. Cette musique me parle car je la trouve naturelle, directe, profonde. Elle est l’identité de tout un peuple. J’écoute des musiques d’Europe du nord aussi par exemple. J’adore tous les folklores. Au Portugal il y a un folklore omniprésent. Les gens s’habillent d’une façon magnifique. J’aime quand les gens représentent leur culture.

Quels sont vos héros préférés ?

Bonga : Il y a un acteur black … Aie Aie Aie …. je l’adore ! C’est Morgan Freeman.

Qu'avez-vous prévu de faire demain (le jour suivant l'interview) ?

Bonga : Demain, je compose. J’écris. J’écris les souvenirs de mon enfance. Même en étant beaucoup plus en Europe, je compose des choses afin de rester fidèle à la culture musicale angolaise.

Eva Dréano