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NOUS ÉTUDIANTS !, la solidarité pour contrer la précarité

Makongo Films / Unité / Kiripi Films

Qu'y a-t-il au bout du tunnel ?

Pour son premier long-métrage, Rafiki Fariala propose une chronique saisissante de la vie estudiantine à Bangui, qui s'apparente à un éreintant parcours du combattant, et, bien des fois, à une impasse. 

Dans Nous, étudiants ! Rafiki Fariala retrace les innombrables péripéties auxquelles il a été confronté avec ses camarades Nestor, Aaron et Benjamin pendant leurs études d'économie à l'université de Bangui. Les obstacles y paraissent insurmontables, entre le manque de moyens, de perspective, d'espoir, d'équité, de matériel, ou d'infrastructures décentes. Les conditions pour étudier s'avèrent loin d'être optimales. L'argent manque pour tout, y compris pour manger et se déplacer. 


Ce premier long-métrage constitue ainsi un poignant cri du coeur et d'alarme, le diagnostic sans appel d'un système qui paraît destiné à démoraliser les étudiants et les conduire à un échec quasi certain. Les problèmes s'accumulent sans fin semble-t-il, et le documentaire exhale ainsi un air tenace de grande mélancolie. Même leur propre professeur ne leur dissimule qu'à moitié cette dure réalité : leur diplôme de licence ne semble même pas pouvoir les conduire bien loin. Et encore, faut-il déjà réussir à l'obtenir, en dépit des corrections injustes ou parfois, apparemment, aléatoires, en dépit des copies qui se perdent, de la corruption, ou de tel ou tel enseignant se vengeant d'étudiantes n'ayant pas cédé à ses faveurs. On se souviendra aussi de l'accablement d'une étudiante n'ayant validé aucune de ses différentes matières.

Évidemment, ce sombre état des lieux affecte grandement l'humeur de nos protagonistes. De surcroît, les problèmes ne s'arrêtent pas à l'université. Aaron se fait par exemple convoquer au commissariat, la tante de sa petite amie l'accusant de viol. En fait, il n'en est rien, mais la tante veut ainsi exercer un chantage sur Aaron et le punir en quelque sorte de fréquenter une mineure. Nestor, lui, se trouve, malgré ses efforts, toujours en deuxième année, et ne peut ainsi obtenir son diplôme en même temps que ses camarades. 

Dans ce contexte peu aisé, les protagonistes s'accrochent à ce qu'ils peuvent : un yaourt dégusté entre amoureux contre un arbre, une soirée dansante à moindre prix, un moment de recueillement à la fois solennel et joyeux, une prière, un espoir, l'inconditionnel soutien de vos amis. Reste aussi le recours à l'humour. Dans une scène mémorable, Nestor, qui a accueilli chez lui deux étudiantes, se met à danser, avant de s'expliquer. N'ayant rien à leur offrir à manger, il a ainsi décidé de danser pour elles. 

Nous, étudiants ! s'avère à la fois simple et puissant. Il contribue à nous ouvrir les yeux sur des réalités peu montrées au cinéma. Rafiki Fariala y parle avec son coeur, sans détours. Pour un premier long-métrage, c'est assurément un film courageux, qui pose question, et interroge un système dont l'objectif semble de faire échouer ses étudiants, ou de les décourager. Il s'agit cependant également d'un film de portraitiste, délicat et sensible, dans lequel Fariala reste au plus près de ses camarades, enregistrant leurs doutes, leurs questionnement, leur quotidien - montrant comment ils survivent au jour le jour, envers et malgré tout.

Remerciements chaleureux à Laureen Ndongo et Claire Viroulaud de Ciné Sud Promotion.

ZOOM

Profession de foi

Rafiki Fariala avait déjà réalisé des courts-métrages, il passe maintenant au format supérieur, en demeurant cependant fidèle à ses principes : filmer les réalités de Bangui sans les embellir, faire mieux connaître le pays à l'extérieur, et rendre hommage à ses camarades, toujours sous la forme du documentaire.

Si ce premier long-métrage n'est pas parfait, il fait preuve de nombreuses qualités et se révèle aussi très touchant. S'il reste en retrait et qu'on ne le voit jamais à l'écran, Fariala s'inclut tout de même et fait entendre sa voix à la fin, lors de l'émouvante prière collective et musicale, entonnée avec ses camarades Benjamin, Aaron et Nestor : il souhaite réaliser de nombreux films, et parcourir le monde. On ne peut que le lui souhaiter !  

Matthias Turcaud