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SUPERGOMBO, des Dogons aux aliens

Z Production

Rétro-futurisme mandingue

C'est peu dire que le groupe lyonnais Supergombo sort de l'ordinaire, brassant mbalax, soukous, funk et jazz dans un élan aussi anarchique que joyeux.

Etienne Kermarc a bien voulu nous éclairer sur leur nouvel album "Sigi Tolo", qui sort ce 25 septembre 2020, et imagine une rencontre surprenante entre des Dogons du Mali et des... extraterrestres ! 

Comment le groupe Supergombo a-t-il vu le jour ?

Etienne Kermarc : Le groupe Supergombo a vu le jour en 2014, dans une grande maison habitée par des musiciens à l'époque à Lyon, colocation surnommée « Le Manoir ». Les rencontres entre des personnes y résidant, et d'autres musiciens ont petit à petit donné naissance à ce groupe.

Pourquoi vous appelez-vous Supergombo ?

Etienne Kermarc : Le nom fait référence aux noms que pouvaient choisir les artistes africains dans les années 70-80, souvent avec des superlatifs comme Super Etoile de Dakar, Tout puissant Orchestre Poly-Rythmo... Le gombo est un légume, mais les musiciens africains utilisent aussi le mot pour désigner des soirées où ils jouent. On dit avoir « gombo ».

groupe-lyonnais-SUPERGOMBO

Supergombo mêle beaucoup de genres différents - le soukous, le mbalax, la funk... Comment ce mélange s'est-il imposé ?

Etienne Kermarc : L'idée principale du groupe est que chaque musicien amène sa sonorité et sa manière de jouer. Les musiciens de Supergombo viennent d'origines et de cultures musicales différentes. L'idée était donc de mixer toutes ces influences...

Comment travaillez-vous, et qu'est-ce qui alimente votre inspiration ?

Etienne Kermarc : Les morceaux sont écrits en amont des répétitions. Ensuite vient une phase de « réappropriation » des propositions par les musiciens. Puis en studio nous avons travaillé avec Vincent Taurelle, réalisateur artistique qui lui aussi modifie certaines choses au moment des prises, puis du mixage. Les morceaux évoluent beaucoup entre la phase de maquette, et le rendu final.

Pour votre morceau "Sirius B" dans votre nouvel album, vous vous fondez sur des légendes mandingues qui racontent la rencontre entre des Dogons du Mali et des extraterrestres. Comment avez-vous découvert ces légendes ?

Etienne Kermarc : L'album s'appelle "SigiTolo", qui est le nom Dogon pour l'étoile Sirius B. Le morceau qui s'en inspire en particulier est le 2ème, effectivement "Sirius B".

Le thème de l'album était l'univers spatial et rétrofuturiste, mélangé à un univers musical empreint de musique africaine. On a donc cherché des histoires en lien avec ces deux thèmes... Traiter de cette rencontre entre des Dogons du Mali et des extraterrestres nous a semblé évident !


Qu'est-ce qui vous plaît en particulier dans cette rencontre inattendue entre Dogons et extraterrestres ?

Etienne Kermarc : C'est l'imaginaire qu'on a pu se créer. Imaginer réellement une scène de rencontre, une soucoupe qui se pose, et la rencontre qui a lieu. Le morceau "Sirius B" constitue en quelque sorte la bande-son de cette rencontre.

Qui a réalisé la pochette de l'album, pouvez-vous nous en parler ?

Etienne Kermarc : La pochette de l'album a été réalisée par Peter TheMoon, artiste pluridisciplinaire, à partir de collages photos. Il y a également un visuel dédié à chaque titre de l'album, toujours sur le même principe qui illustre chacune des mini-histoires accompagnant les morceaux.

Comment vous est venue l'idée du morceau "Alien Felines from beyond the galaxy" ?

Etienne Kermarc : L'idée vient des deux artistes Peter TheMoon et Ugo Wool qui ont décliné à leur manière le thème de l'album. Ils ont écrit ce scénario, nous imaginant témoins d'une attaque de chat sur une planète de poissons. Quelque part sur notre trajet ...


Pouvez-vous nous dire quelques mots sur "Aluna" ?

Etienne Kermarc : Le morceau "Aluna" est un alunissage, on a imaginé quelque choses de cool, planant mais assez majestueux, comme un alunissage de module lunaire. Il s'agissait au départ d'un morceau instrumental à l'image du reste de l'album. Ce n'est qu'en studio que le réalisateur (Vincent Taurelle) a demandé si nous pourrions le chanter.

Les paroles ont été écrites par Wendlavim Zabsonré en un week-end, et il a enregistré toutes les voix, des leads comme les choeurs, le lundi. C'est un des morceaux qui a le plus changé entre sa version "maquette" et la version définitive.

Comment la chanson "Chandraayan" a-t-elle émergé ?

Etienne Kermarc : "Chandrayaan" est le nom du programme spatial indien. Nous avions fait une tournée en Inde, et nous voulions intégrer un peu de ces souvenirs dans l'album. Le titre s'apparente donc à un voyage afro-futuriste, aux sonorités indiennes dans le choix des gammes comme des notes.

Qu'est-ce qui a guidé votre manière de jouer pour la chanson "Vortex" ?

Etienne Kermarc : C'est un morceau très imagé. On est dans un petit vaisseau qui file dans l'espace très « fièrement » puis il est pris dans des vortex saptio-temporels imagés en musiques (à 1m05s, 1m11s, 2m02s ...) et se retrouve dans de nouveaux univers. Dans le solo, Romain Nassini change aussi d'univers à chaque vortex, notamment en changeant de claviers, de sons ...

On est donc dans une musique très épique imageant le vaisseau filant dans l'espace, puis des passages dans des trous noirs, avant de revenir sur la croisière. On peut parler aussi d'Interstellar de Christopher Nolan qui nous a aussi inspirés dans les images liées à ce morceau. Chaque musicien a interprété ces consignes sur son instrument.

Sur le continent africain, quels artistes vous ont-ils inspiré en particulier ?

Etienne Kermarc : La liste est longue, mais l'artiste duquel on se rapprocherait pourrait être Hugh Masekela, trompettiste, chanteur sud-africain.

Comptez-vous vous produire prochainement en Afrique ?

Etienne Kermarc : Nous aimerions beaucoup, notre batteur Wendlavim participe à un projet de production avec le groupe Kalyanga, qui se passerait à Ouagadougou. C'est un groupe avec lequel nous collaborons déjà sur des projets musicaux et pédagogiques. Pourquoi pas sur un titre, on en a déjà parlé.

ZOOM

Contre l'impérialisme culturel

Les Dogons auraient eu connaissance de l'étoile Sirius B avant les Occidentaux. Pour vous, cela constitue un pied-de-nez à l'arrogance occidentale ?

Etienne Kermarc : Effectivement les paroles parlent un peu de ça, du fait qu'on veut expliquer les choses via une science qui se targue d'avoir toujours raison. Les scientifiques ne comprenaient pas comment les Dogons auraient pu avoir connaisance d'astres invisibles à l'oeil nu, notamment Sirius B. Finalement la version « officielle » est à présent de dire :

"Il est aujourd'hui admis que ce mythe de Sirius B, ainsi que d'autres faits astronomiques non observables à l'œil nu que la cosmogonie dogon aurait intégrés, tels que les quatre plus grosses lunes de Jupiter ou bien les anneaux de Saturne, sont très probablement un cas de "contamination culturelle", et que ces connaissances ne seraient entrées dans la culture dogon que lors de contacts récents avec des Occidentaux."

Ca nous semble dommage, on pourrait aussi admettre que certaines choses ne sont pas expliquées, et que d'autres cultures auraient certainement beaucoup à nous apprendre. L'impérialisme culturel est un peu dénoncé dans cet chanson.

Matthias Turcaud