Documentaires / congo-brazzaville

Tala-Tala (la mémoire de l’homme) de David-Pierre Fila

Quinté Flush productions

Le film du réalisateur franco-congolais David-Pierre Fila est une évocation poétique de la tradition congolaise.

Sélection du Cinéma du Réel et Prix Air Afrique au Fespaco en 1991, le documentaire Tala-Tala de David-Pierre Fila explore le Congo au rythme lent d’une remontée de son fleuve.

Le documentaire nous embarque sur le « ville d’Owando », le dernier bateau à aubes naviguant sur le fleuve Congo.

Accompagné de Makakoto, le narrateur de ce film, nous parcourrons le fleuve sur mille kilomètres jusqu’à la frontière du Cameroun. A bord de cette embarcation, le capitaine est le seul maître et juge à bord. Il ordonne et régit cette micro société recréée le temps d’une traversée. On vit, on mange, on croise des crocodiles attachés et on fait du troc.

Makakoto, lui, durant ce temps, philosophe sur la nature, le fleuve, la beauté des choses et le temps qui passe. Au cours de l’une des nombreuses escales, il rencontre une femme « plus vieille que vieille » (cf David-Pierre Fila. 08/10/2014). Elle a plus de 100 ans. Elle transmet à Makakoto son savoir précieux, lui parle du monde d’avant et du déséquilibre actuel des choses.

L’ironie veut que peu de temps après le tournage, de nombreux changements politiques s’opèrent. La Conférence nationale s'ouvre en février 1991, et se proclame immédiatement souveraine. Le 15 mars 1992, une nouvelle constitution est approuvée par référendum. La République populaire du Congo redevient « République du Congo ». 

Cette vieille femme avait prédit cette période de transition politique. Elle semble être la gardienne du savoir passé et futur. Egalement, le personnage de Makakoto est porteur d’une charge symbolique forte. Il navigue entre deux rives, entre deux mondes et tel un oracle s’empare de ce qui l’entoure avec sensibilité et clairvoyance. Il est le narrateur omniscient et « la parole incarnée du réalisateur. » (cf David-Pierre Fila, le 08/10/2014).

Les images présentent un Congo sans âge et pourtant nous savons que le film a été tourné en 1991. Nous naviguons dans un Congo hors du temps où seule la parole orale fait sens. L’onirisme est total.


Tala-Tala en version complète


ZOOM

David-Pierre Fila, un homme aux multiples vies

Le réalisateur franco-congolais David-Pierre Fila naît en 1954 à Brazzaville.

Dès l’âge de 9 ans, il se passionne pour le cinéma. Adolescent, il part étudier en France pour devenir masseur kinésithérapeute. En parallèle, il obtient un DEA en anthropologie à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales. Il travaille un temps comme photographe de mode pour Guerlain, Madame Grès, Hermès, Lanvin et est correspondant en Afrique Centrale de l’Agence photo Gamma.

En 1987, il obtient une bourse UNESCO pour un stage de cadreur auprès du département d’études de cinéma à l’Institut des Hautes Etudes Supérieures de la Cinématographie à Moscou.

Tala-Tala est son 3ème court métrage. Auteur de nombreux documentaires et fictions, il parle des origines de la rumba congolaise (Sur les chemins de la rumba - documentaire - sortie 2014-2015), du Sida (Matanga - fiction - 1993), des persécutions subies par la minorité pygmée et de l’exploitation excessive des ressources forestières des régions équatoriales au Congo (Les derniers Babingas - documentaire - 1991), de l’environnement en Afrique (L’eau, La forêt, La terre - documentaire - 2003)…

A travers ce travail d’ensemble, il nous invite à découvrir les différents visages de l’Afrique, à voir une Afrique actuelle ou millénaire.

Eva Dréano