Romans / algérie

Hizya de Maïssa Bey

Les éditions de l'aube

Le parcours d'une femme algérienne qui tente de grignoter un espace de liberté et de pensée.

Elle porte le prénom d'une héroïne tragique mais son destin est banalement ordinaire.

Hizya, le personnage du nouveau roman éponyme de Maïssa Bey, est une jeune femme qui rêve de « se fabriquer un destin sur mesure dans un monde étriqué et sombre ».

Hizya, bientôt vingt trois-ans, vit dans la ville blanche et ses ruelles tortueuses, sous l'œil inquisiteur de ses parents et de ses frères.

Elle travaille la journée dans le salon de coiffure « Belles, Belles, Belles », renonçant à un diplôme de traduction inutile. Son existence est une sommation à marcher dans les pas de ses aïeules en fondant une famille, et en se plaçant sous l'autorité de son mari et de sa belle-mère.

Maissa-Bey

De son écriture solaire et singulière, captant au plus près le pouls de consciences tiraillées, l'écrivaine algérienne Maïssa Bey construit depuis deux décennies un monument aux femmes, nul autre pareil.


« J'imagine ma vie. J'imagine ce qui m'attend. Le chemin est tout tracé. Il ne différera en rien de celui qu'ont emprunté tant de cousines, de voisines et d'amies. Qu'elles aient fait des études ou non. Qu'elles aient un travail à l'extérieur ou non. »

Afin de s'évader de cette réalité abrupte, la jeune femme s’enivre de poésie, et en particulier de la légende de son homonyme Hizya, une « princesse des sables », dont le destin a été brisé par un amour interdit.

Au cours de rêveries nocturnes sur la terrasse familiale, ses lectures lui permettent d'entrevoir un autre monde et lui donnent la volonté de briser le cercle immémorial de violence à l'encontre des femmes.

Elle vivra, elle aussi, une histoire d'amour, de celle qui donne accès « à toutes les fibres de l'être » ! « Je sais, en mon for intérieur, je sais bien que la légende d'Hizya n'est qu'un prétexte. Et lorsque je me demande pourquoi elle le hante, pourquoi le simple fait de découvrir ce poème, d'écouter ce chant m'ont donné envie de me projeter au-delà des frontières qui me sont assignées, je n'ai d'autre réponse que celle qui me force à voir l'étendue du vide qui m'entoure. L'aridité de la vie qui m'attend ».

Description du quotidien de la société algérienne et voix lumineuse posée sur les arêtes de la Casbah, Hizya est avant tout le parcours d'une femme, irrémédiablement marquée par son milieu, qui tente de grignoter un peu d'espace de liberté et de pensée.

Face à une société vitrifiée où on apprend aux jeunes filles depuis leur enfance que le mal est logé en elles. Face au culte du caché et à la loi du silence. Hizya de Maïssa Bey est un bel hymne à toutes ses héroïnes qui se battent jour après jour et à une jeunesse qui s’essouffle faute d'horizon.

Maïssa Bey : "L'écriture c'est passer de l'autre côté du silence qu'on nous impose à nous les femmes".

ZOOM

La figure d'Hizya

Plus d'un siècle après son apparition dans une célèbre élégie du poète Ben Guittoun, la figure d'Hizya fait partie prenante de l'imaginaire collectif algérien.

Les chanteurs bédouins Abdelhamid Abassa et Khelifi Ahmed contribuent à sa popularité au XXe siècle en chantant son histoire.

Mais qui était-elle ? A t-elle réellement existé comme le laisse penser certaines rumeurs ? Difficile de trancher ! Si les versions varient, toutes s'accordent à dire qu'Hizya est une jeune femme à la beauté remarquable qui vit à Sidi Khaled.

Amoureuse de son cousin Sayed, orphelin recueilli par la famille, elle décide de se lier à lui s'opposant à son père. Mais un mois après son mariage, elle meurt dans d'étranges circonstances. Inconsolable, Sayed demande à Ben Guittoun d'écrire un poème à la mémoire de sa bien-aimée.

Expression romantique d'un amour impossible, l'histoire d'Hizya résonne avec la situation actuelle des femmes qui doivent toujours faire face aux traditions séculaires des pères.

Sarah Gastel