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ACID ARAB, un album entêtant et ébouriffant

Crammed Discs

Laissez-vous ravir...

Bernard Werber disait : « La beauté, c'est aussi la musique. » Il n'eut pas tort de l'affirmer en effet. Car la beauté ravit sans l'avis du ravi, et hisse jusqu'aux cimes véritables du plaisir.

En musique, le rythme provoque généralement le mouvement du corps, les mots et les paroles du corps, en somme de provoquer ce que l'on pourrait en osant un peu, qualifier d'éloquence du corps. En effet, le rythme s'éloigne souvent de la sensibilité et de l'émotion qui en règle générale, transportent jusqu'aux pleurs.

Par ailleurs, l'on a tendance à réduire la richesse musicale aux aspects sensuels. Pourtant, ce n'est pas tout ce qu'est la musique. Elle est aussi rythme, entrain, et folie.

Dès lors en musique, le plus dur devient de joindre rythme et sensibilité.

 

Heureuseté pour nous, grâce à l'ingéniosité ingénieuse du groupe Acid Arab et son album "3", nous avons pu par un album très rythmique, déguster de la sensibilité par de-là le sens des mots, par de-là la fréquence des mots.

Oui, il faut le croire ! Il suffirait d'écouter ces mélodies aux sonorités hypnotiques pour expérimenter le mouvement de l'âme vers des sons scandés, qui vous apprivoisent et vous font connaitre la folie du rythme. C'est un régal génial, un plaisir inégal !

Il n'est pas de mots plus forts que le silence que vous impose le rythme mélodieux, entraînant et mélancolique du groupe Acid Arab, grâce auquel vous paradez et cavalcadez dans les nuées, pour dire tout l'affolement des sens que peut la musique, la vraie.

Ce troisième album d'Acid Arab compte dix titres et convoque une brochette d'invités de choix, à savoir Wael Alkak, Cem Yıldız, Ghizlane Melih, Khnafer Lazhar, Sofiane Saïdi, Fella Soltana, Cheb Halim et le regretté Rachid Taha, qui se sont associés à Acid Arab, en vue d'offrir aux mélomanes ce riche et bel album qui constitue à la fois un vibrant appel à l'émancipation et en même temps une expérience musicale d'une intensité et d'une qualité rares. Ils revisitent des genres traditionnels et institutionnalisés du paysage musical algérien - tels que le raï, l'aroubi, le gasba -, sans oublier la transe anatolienne, mais tout en le réinvestissant avec une fougue nouvelle. 

 

Leila, son premier titre, est un son entraînant et sensuel, qui a la facilité d'assourdir rythmiquement, et milite pour une liberté inconditionnelle et grisante. Une vraie perle nous est offerte par la voix de Sofiane Saidi, roi du raï. Le clip se révèle, de plus, exceptionnel. 

Ya Mahla, chanté par l'artiste syrien Wael Alkak, connu pour ses dabkehs - musiques folkloriques dont le nom signifie "coup de pied" - est un chant qui en plus du rythme, intègre abandon et rigueur dans ses mélodies. Cette symbiose s'avère simplement magnifique. C'est aussi un chant révolutionnaire et courageux. 

Habaytak, chant doux et rythmé, captivant par la voix délicieuse de la diva marocaine Ghizlane Melih, vous enivre avant de laisser place à des instruments traditionnels qui vous transportent vers je ne sais où, mais de magique.

Khnafer Lazhar, a su lui aussi nous porter par un rythme quasiment électrique, mélodique et mélodieux en même temps, avec le titre Acid Chawi. Il enrichit l'œuvre, grâce au chœur qu'il ajoute au bout d'un moment. Une vraie fête musicale, grâce aux enchaînements vocaux magnifiques qu'il effectue.

Rachid Trip, le titre exécuté par Rachid Taha constitue un délice musical en ce qu'il présente la singularité de contenir au-delà des sons très rythmés des instruments, des paroles presque noyées. Noyées par les sons des instruments. Tout de même, ces paroles restent sonores et perceptibles, ce qui confère à ce chant une autre dimension de qualité.

Pour finir, je vous exhorte donc très chaudement à découvrir cet album si abouti et si riche, de ce pur chef-d'œuvre donc, qui depuis le 3 février 2023 dernier, œuvre déjà !

Remerciements chaleureux à l'attaché de presse du groupe, David Beaugier. Crédit photo : Guillaume Durand. 

ZOOM

Cem Yildiz, le "chantre de l'hybridation électronique en Turquie"

Parmi les nombreux invités talentueux convoqués sur cet album, Cem Yildiz intervient sur Döne Döne.

Il est connu comme le "chantre de l'hybridation électronique en Turquie", d'après le dossier de presse. Le groupe en parle comme d' "un invité majeur" et aime "l'aspect profond qu'amène son style très psyché".

Cem Yildiz a fait aussi preuve d'une grande originalité en revisitant un rituel mystique turc. Compagnon de route fidèle, il collabore avec le groupe depuis son premier album et le titre "Stil".

Ben Kalamo