L'histoire véridique de Makhtar de Dominique Sarr

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L_histoire_veridique_de_MakhtarRomans / Sénégal
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L'histoire véridique de Makhtar
de Dominique Sarr
Le bas vénitien
« Tab-ral tab-ral tab-ral Sonnez,
Sonnez et résonnez !
C'était un homme affable,
un comptable
estimé, ses enfants le chérissent :
il s'est cassé avec l'argent du service. »

 

Dominique Sarr, vieux griot, met en garde un jeune homme de son village contre les tentations de la ville en déployant l'histoire de Makhtar.

C'est l'histoire, plutôt invraisemblable de Makthar, comptable sénégalais d'un projet forestier, qui décide un jour de paye de filer avec les 800 mois de salaire de ses ouvriers.

« Soixante-sept ans de salaire, cela pouvait l'amener, lui, à l'âge respectable de quatre-vingt-dix neuf ans ». Mais Makhtar a d'autres projets en tête pour dépenser la lourde mallette noire. Avec sa muse et deuxième femme Rokhaya, ils convolent en Casamance pour fonder une ambitieuse entreprise de pêche et vivre comme des rois... Quelques mois seulement.

L'histoire véridique de Makhtar, c'est d'abord un récit de griot, dans la tradition orale africaine, faite pour être chantée devant un village. Le texte ne se lit pas comme un roman mais se vit comme une chanson, aux notes musicales et touches africaines. Des termes sérère, mandingue, wolof, diola viennent enrichir le verbe sans en altérer la compréhension. Au contraire, le ton est savoureux et léger.

Le message se veut moral et le griot le (se) met souvent en avant « Moi ? Non. Jamais je n'aurais usé de mes années de bons et loyaux services pour détourner au fil des jours sournois les piécettes et les billetons »

Et pourtant on décèle une certaine admiration pour ce beau Makhtar à la fière allure, généreux en toute chose, totalement insouciant et éperdument amoureux de sa « niareel » : « il ne savait pas comment le visage d'une femme noire pouvait faire jaillir autant de lumière, mais il savait que la femme était la lumière ». Innocent en somme !

Trois dangers donc pour la jeune génération sénégalaise : l'attraction de l'argent, la beauté ensorceleuse des femmes et l'insouciance de la jeunesse (et peut-être une petite tendance à vouloir ressembler aux « toubaabs », tous des « Robert Redford » pour Makhtar).

Bref, un cocktail explosif qui peut tout droit mener à la gloire... ou en prison !

A lire et à « écouter » ! Un récit amusant, pimenté, bien mené par un savant griot, qui ne garde pas le mot dans sa poche !

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Le bas vénitien, éditeur coopératif

Le bas vénitien est une maison d'édition spécialisée dans la publication d'œuvres de littérature romanesque francophone contemporaine qui donne sa chance à des manuscrits talentueux que l’édition traditionnelle peine à reconnaître, et qui sans lui ne trouveraient pas le chemin des librairies.

Il fait confiance à des textes ne ressemblant à rien de connu précédemment, à des textes dont on ne sort pas indemne, à des textes inventifs, inclassables, dérangeants.

Il s’intéresse moins au style considéré en soi qu'à ce que ses auteurs ont dans le ventre, qu'à ce que leurs textes portent de charge profonde. Pourquoi écrire, sinon pour vivre ? Pourquoi lire, sinon pour vivre ?

Il s’inscrit dans une vision humaniste du monde, où l’écriture est instrument d’échange, vise l’ouverture sur le monde, la compréhension entre les cultures, l’extinction de la violence par le verbe, l’équité…

Au nom du plaisir comme au nom de la diversité, le bas vénitien est sensible aux recherches sur l’oralité, sur la relation entre la parole et l’écrit, sur les chemins et les errances de la mémoire, sur la structure du récit…

Marie-Alix Saint-Paul

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